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Cigarette électronique à Washington, le 2 octobre 2018. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"Le vapotage est un outil efficace de réduction des risques", a plaidé le Pr Benoît Vallet, ancien directeur général de la santé (le numéro 2 du ministère), lundi 14 octobre à la tribune du Sommet de la vape à Paris.
Organisé par l'association pro-vapotage Sovape, cet événement a pris un relief particulier à cause de la mystérieuse épidémie qui a pour l'instant fait 26 morts et 1.300 malades pulmonaires sévères aux États-Unis.
"Le plus dommageable, c'est que ça jette le doute", assure Sébastien Roux, directeur général d'une autre structure du secteur, le Crivape, qui organise jeudi 17 octobre à Paris sa propre table ronde.
Dans les trois quarts des cas, les malades américains ont consommé dans leur cigarette électronique des produits au THC, l'agent psychoactif du cannabis, souvent achetés illégalement. Mais les causes exactes de l'épidémie sont toujours inconnues.
Depuis son déclenchement cet été, les pro-vapotage s'emploient à distinguer les situations française et américaine. "Le marché américain est beaucoup moins réglementé. Ici, on ne peut pas mettre n'importe quoi dans un liquide", souligne M. Roux.
Pour autant, difficile de dissiper les peurs du grand public, soupirent les acteurs du secteur.
D'après un sondage BVA réalisé pour Sovape en septembre, 3 Français sur 5 pensent désormais que vapoter est au moins aussi dangereux que fumer, à rebours du consensus scientifique.
Avec 1,8 million de vapoteurs quotidiens et 820 millions d'euros de chiffre d'affaires, la France est le 3e marché mondial de l'e-cigarette après les États-Unis et le Royaume-Uni, selon une étude du cabinet Xerfi en 2018.
Mais à cause de l'épidémie américaine, les boutiques françaises "ont vu leur chiffre d'affaires moyen baisser de 20 à 30%", assure Sovape.
"Au contraire, en septembre, les ventes de tabac n'ont presque pas baissé. Si ça se confirme, cela démontrera que dénigrer à ce point la vape fait que les gens continuent de fumer", s'alarme auprès de l'AFP le pneumologue Bertrand Dautzenberg, autre intervenant du sommet de la vape. Le tabac fait 75.000 morts par an en France, essentiellement de cancers et problèmes cardiovasculaires.
"Paradoxe"
"La combustion tue, la désinformation aussi", tonne de son côté Jacques Le Houezec, spécialiste de la dépendance et ex-président de Sovape.
"La fumée du tabac est un mélange complexe qui contient 7.000 composés et 69 carcinogènes", poursuit-il.
Des liquides parfumés pour cigarettes électronique, à New Delhi le 18 septembre. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Le vapotage consiste à inhaler des vapeurs créées par le chauffage, et non la combustion, d'un liquide qui contient la plupart du temps de la nicotine, hautement addictive mais pas cancérigène.
C'est pourquoi les médecins considèrent que si on fume déjà, le vapotage est moins nocif que la cigarette.
Malgré cela, des appels à la prudence se multiplient ces derniers mois, en raison du peu de recul dont on dispose sur les e-cigarettes, vendues depuis le milieu des années 2000.
En juillet, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a jugé que ces dispositifs étaient certes "probablement moins toxiques que les cigarettes" mais étaient "incontestablement nocifs et (devaient) être régulés".
La prestigieuse revue britannique The Lancet, elle, vient de publier un éditorial sévère appelant à mettre sur le même plan vapotage et cigarettes en termes de santé publique.
"Les fabricants de e-cigarettes et certains spécialistes de santé publique les considèrent comme un outil de sevrage et une alternative plus sûre que la cigarette. Mais peu de preuves soutiennent ces affirmations", juge The Lancet.
Ces incertitudes expliquent pourquoi le ministère de la Santé, comme l'OMS, n'inclut pas le vapotage dans son arsenal de prévention du tabagisme (augmentation des prix, remboursement des patchs et opération Mois sans tabac, qui démarrera le 1er novembre).
Dans le même temps, l'Agence sanitaire Santé publique France estime que 700.000 fumeurs quotidiens ont arrêté le tabac avec l'aide de la cigarette électronique entre 2010 et 2017.
Benoît Vallet y voit "le paradoxe d'un principe de précaution qui s'oppose à une méthode de réduction des risques".
AFP/VNA/CVN