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Un berger conduit son troupeau de moutons sur les terres brûlées des environs de Mazar-i-Sharif, le 28 novembre 2019 en Afghanistan. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Nooruddin a abattu le reste de ses bêtes plutôt que de les voir dépérir sur les collines arides de la province de Balkh, dans le Nord du pays. "Je leur ai coupé la tête", raconte le berger de 65 ans. "La viande était inutilisable, nous l'avons donnée aux chiens ", ajoute-t-il.
Au marché au bétail des abords de Mazar-i-Sharif, fait de terre battue parcourue de pelages blancs et bruns, ils sont nombreux à souffrir de l'impact du changement climatique, qui touche les bergers comme les tisseurs.
Et la situation ne va faire qu'empirer, alertent les experts - même si le pays ne produit que 0,1 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Dans les quatre prochaines décennies, l'Afghanistan pourrait connaître une chute des précipitations et une hausse de 4 degrés Celsius des températures par rapport à 1999, selon des scientifiques cités par l'ONU. Une catastrophe quand environ 80% des Afghans tirent leurs revenus des cultures pluviales et de l'élevage, selon le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud).
Bêtes émaciées, vies ruinées
"J'ai vu des épisodes de sécheresse dans le passé mais jamais aussi sévères que celui de l'an dernier", dit Mirza, un vendeur de bétail de 45 ans. "La plupart des gens n'ont pas les moyens d'acheter de la nourriture pour leurs bêtes. Beaucoup de moutons et d'autres animaux meurent dans les montagnes et dans le désert" aux terres brûlées.
Mohammed Aref élève des moutons Karakul, dont le pelage bouclé des agneaux sert à fabriquer des chapeaux traditionnels. Selon lui, les bergers ont été contraints de vendre leurs bêtes émaciées pour presque rien aux bouchers, qui ont jeté les peaux.
"La plupart d'entre nous n'avons pas les moyens de racheter du bétail et aujourd'hui nos vies sont ruinées", déplore le jeune homme de 19 ans, un matin frais de début d'hiver.
Des pluies légères en octobre ont temporairement soulagé les malheurs des éleveurs mais le ciel s'est éclairci depuis.
Lorsqu'on leur demande s'ils sont inquiets pour la saison prochaine, plusieurs fermiers donnent une réponse typiquement afghane, à l'instar d'Aynoddin, un autre éleveur de moutons Karakul : "S'il y a la sécheresse, Dieu décidera, donc je ne m'inquiète pas".
La sécheresse devient la norme
Des bergers conduisent leur troupeau de moutons sur les terres bûlées près de Mazar-i-Sharif, le 28 novembre 2019 en Afghanistan. Photo : AFP/VNA/CVN |
Nombre d'habitants de Balkh n'ont aucune compréhension de l'impact du changement climatique, faute d'un accès suffisant à l'information et à l'éducation. Mais tous constatent un changement.
La dernière grande sécheresse dont ils se souviennent remonte à environ 10 ans. Avant cela il n'y en avait pas eu depuis un demi-siècle, selon eux.
Le Pnud a noté qu'à partir de cette année les épisodes de sécheresses deviendraient la norme, accélérant la désertification et la perte de sols arables.
Et lorsque la pluie arrive enfin, c'est sur un sol sec qui ne peut l'absorber. Au printemps dernier, des crues soudaines ont balayé des villages et champs entiers.
Dans un pays à la démographie galopante, où le chômage est l'un des principaux moteurs de la guerre et la nourriture une rareté dans de nombreux endroits, de nouvelles pertes de terres agricoles ne feront qu'aggraver la pauvreté et l'insécurité.
La Global Adaptation Initiative, menée par l'Université américaine de Notre Dame, classe aujourd'hui l'Afghanistan au 173e rang sur 181 pays pour leur vulnérabilité face au changement climatique et leur capacité à s'y adapter.
En 2018, la sécheresse a fait 250.000 déplacés. Un an plus tard, faute de récoltes, l'ONU a estimé que la moitié de la population rurale du pays, soit 13,5 millions d'habitants, se trouvait en insécurité alimentaire.
Le coût humain est évident dans un camp pour déplacés aux abords de Mazar-i-Sharif. Des rangées de tentes blanches fournies par l'ONU abritent des centaines de familles. La principale source d'eau est un grand réservoir collectif.
Shamayel, une mère de 35 ans originaire de la province de Faryab (Nord-Ouest), dit être là avec sa famille pour fuir le conflit et la sécheresse.
Elle qui tissait des tapis kilim traditionnels colorés a dû s'arrêter quand le prix de la laine a flambé, passant de 17 à 28 euros pour sept kilos en deux ans. Le pelage des moutons abattus ou tués par la sécheresse était trop abimé.
AFP/VNA/CVN