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Il y a, en moyenne, 200 heures d’ensoleillement au Vietnam par mois en été. |
Photo : TT/CVN |
Quand j’étais à Stockholm, j’ai été très impressionné de voir au cœur de la ville des gens assis sur les bancs, dans les rues, les yeux mi-clos ou clos, en train de boire «littéralement» le soleil d’été.
Nous, autres Vietnamiens qui ignorons les sombres hivers nordiques, avons du soleil à revendre. Nous avons en été une moyenne de 200 heures de soleil par mois, et en hiver, 130.
L’été tropical, un sujet de terreur
Même jusqu’aux années 1920, la chaleur humide et malsaine de l’été tropical était un sujet de terreur pour les paysans du Nord mal défendus contre sa kyrielle d’épidémies. C’est toujours aux environs du solstice d’été que les menaces culminaient.
La cérémonie d’«entrée de l’été» (vào hè) a lieu en général dans la première quinzaine de la saison. De caractère propitiatoire, elle consiste à «prier pour la paix» (lê câu an), «pour la fraîcheur» (lê câu mát). Selon les croyances populaires, c’est à l’époque des grandes chaleurs que les Mandarins (ou Seigneurs) des démons de l’épidémie (Quan ôn, Chúa ôn) rôdent partout pour racoler les morts afin d’en faire des soldats des enfers. Les chiens qui les aperçoivent sous forme de lueur aboient avec frayeur. Quand la porte grince, on ne doute pas que les esprits malfaisants soient là. On croit entendre dans le souffle du vent le nom d’une personne de la famille qu’ils visent.
La cérémonie de «prière pour la fraîcheur». |
Photo : DL/CVN |
La cérémonie de «prière pour la paix» du village est organisée à la maison communale, surtout quand le choléra sévit. Il s’agit d’éloigner le plus vite possible les Quan ôn racoleurs de morts. L’office peut durer une demi-journée, trois jours et trois nuits d’affilée et même plus. On dresse deux autels : l’autel intérieur dédié au Ciel, à la Terre, aux Bouddhas, aux Saints et Génies, l’autel extérieur réservé aux divinités du Royaume des Ténèbres dont Cinq Seigneurs des démons de l’épidémie représentés par des mannequins en papier.
Une cérémonie plutôt symbolique
Le service dirigé par un bonze ou un sorcier commence par le rite visant à purifier le village des esprits maléfiques, lui assurant ainsi un périmètre de sécurité. Si le villageois ne se hasarde pas hors des limites de la commune, il est sûr de ne pas être racolé par les démons, c’est-à-dire de ne pas attraper le choléra.
Ces oiseaux retrouvent leur liberté. |
Photo : CTV/CVN |
On adresse ensuite des supplices offrandes (phát tâu) au Ciel et aux Bouddhas, on fait des prières pour qu’ils protègent la communauté. Le jour suivant a lieu le rite des Six offrandes (Luc cúng) : encens, fleurs, lampes, bétel, fruits et mets. Il est suivi de celui de la rémission des péchés et de la réparation des injustices en faveur des âmes errantes : l’officiant coupe la corde symbolique (cát khiên) des péchés et injustices à laquelle sont suspendus des vêtements en papier et 630 sapèques à l’intention des âmes en peine. Vient le rite de la sanctification de l’oriflamme bouddhique (cúng tràn phiên). La deuxième nuit, on procède au rite de la distribution de nourriture aux âmes errantes et affamées (dàn thí thuc) ; les mendiants et les pauvres gens viennent se disputer les offrandes cultuelles (boulettes de riz, soupe de riz, patate, maïs, galette...).
Des êtres vivants, oiseaux, poissons, crabes, escargots, sont remis en liberté (phóng sinh). Au troisième jour, la cérémonie est clôturée par l’action de grâce à l’intention du Ciel et de Bouddha et les adieux aux Seigneurs des démons de l’épidémie. L’officiant, tenant à la main des baguettes d’encens allumées ou une torche, prononce des formules d’exorcisme ; il accompagne les esprits malins aux coins du marché, aux carrefours des sentiers, à la porte du village, avant de faire brûler les mannequins de papier exposés sur l’autel extérieur.
Aujourd’hui, dans les villages, la cérémonie de «prière pour la paix» à «l’entrée de l’été» est plutôt symbolique. Les Seigneurs de l’épidémie ont peur des vaccins. Grâce soit rendue au Bouddha Pasteur !
(1992)