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Durant la cérémonie funèbre, la famille du défunt porte les vêtements de deuil. |
Photo : TT/CVN |
Les cérémonies avant l’inhumation
Le sorcier Thày Tao commence par dresser un autel pour présenter les requêtes au ciel (dân số). À la partie supérieure sont suspendues trois images des trois mandarins célestes présidant aux funérailles. À la partie intérieure sont celles de Trois Zones célestes. À gauche, celles des mandarins civils (cinq juges de l’Enfer, trois mandarins Bourreaux à tête de buffle et à visage de cheval), et des émissaires célestes. À droite sont celles des mandarins militaires (cinq juges de l’Enfer, trois mandarins bourreaux). Au pied de chaque image est placé un bol rempli de riz (pour y planter des baguettes d’encens), ce qui fait 23 bols. Comme il y a trois cérémonies, il faut changer trois fois de riz, ce qui fait au total 7 kg de riz x 3 = 21 kg de riz pour le (les) Thày Tao officiant (à la fin de l’enterrement).
On célèbre en général trois cérémonies :
- Cérémonie d’appel de l’âme (lê goi hôn). Elle a pour but de rappeler l’âme égarée du mort, qui pourrait être capturée par de mauvais démons. Ces derniers sont des morts méchants ou des esprits de plantes et d’animaux incapables de gagner le Ciel.
Le Say et ses disciples jouant de la musique officient devant la porte d’entrée de la maison du défunt, sur l’allée où est posé sur une natte un plateau d’offrandes cultuelles (tête de porc bouilli, riz gluant, alcool). Des baguettes d’encens sont allumées. Le Say danse en criant : «Que ceux qui par mégarde capturent l’âme la relâchent !». Parfois, il adoucit sa voix pour négocier avec les esprits. Au bout d’un instant, il s’arrête, se prosterne aux quatre points cardinaux et déclare : «L’âme erre au loin».
Des offrandes destinées à un rite funéraire Tày. |
Photo : TT/CVN |
Avec sa suite et la famille, il rentre dans la maison et se dirige vers l’autel des requêtes. Il se prosterne pour demander l’aide des divinités. Le cortège se rend ensuite dans la cour où l’âme est emprisonnée dans un petit carré ceint d’étoffe blanche ; avec quatre bols représentant les quatre portes Nord-Sud-Est-Ouest. Le Say brandit l’épée, tenant dans l’autre main la tablette avec le nom du mort. Musique, danse, menace : «Moi, sorcier (de tel ou tel grade), j’ordonne que les démons libèrent l’âme de (X)». Le Say fait quatre tours de la prison, brisant chaque fois un bol. Il soupire de soulagement : «L’âme est libre». Le chef du deuil peut déposer la tablette funéraire sur l’autel des ancêtres.
- Cérémonie de piété filiale (lê báo hiêu). Elle est menée par le maître des rites qui doit d’abord installer un autre autel à l’entrée de la maison et rédiger l’oraison funèbre. En premier lieu, il «annonce aux ancêtres» (lê cáo tô) l’identité du défunt et l’heure de sa mort. Suivent des rites compliqués : remise des bâtons de deuil, consécration du deuil avec port des habits de deuil (thanh phuc), lecture de la longue liste de tous les membres des familles paternelle et maternelle, déclamation de l’oraison funèbre, repas commun auquel est conviée l’âme, rite de la piété filiale (lê báo hiêu). Le clou de la cérémonie ? Lorsque le chef des Maîtres des rites lit un sermon rappelant les sacrifices du père (ou de la mère) : à tour de rôle, les fils et les filles mariés, et leur époux, les filles veuves et remariées, les enfants adoptifs présentent leurs plateaux d’offrandes cultuelles et prononcent leur oraison funèbre. Tout cela dure presque toute la nuit.
Le cercueil est recouvert d’un catafalque. |
Photo : TT/CVN |
- Cérémonie d’adieu à l’âme (lê tiên hôn) ou rite du repas d’adieu (tê khau ngai) parce qu’on invite le défunt à prendre un dernier repas avec les vivants. Le Thày Tao invite tous les génies à ouvrir les portes du Ciel pour le défunt. Il pose sur le dos de chaque enfant une tasse d’alcool. Il prononce trois invocations, les enfants se redressent, renversant l’alcool : la route du Ciel est ouverte ! L’âme peut enfourcher une grue blanche fendant les nuages.
L’inhumation chez les Tày
Devant le catafalque, un représentant de la Société d’entraide villageoise lit l’oraison funèbre qui retrace la vie du défunt avec ses mérites et exprime le regret du village. Le Thày Tao trace en l’air l’idéogramme khai (ouvrir). On enlève le soc de charrue en fonte sur le cercueil.
Le cercueil sorti de la maison est posé sur un assemblage de ram (tiges de bois ou de bambou) et recouvert d’un catafalque. Le cortège, dirigé par le gong du président de la société, se porte vers la montagne où se trouve le cimetière de la lignée familiale. Le catafalque sera brûlé avec tous les effets du mort. Le cercueil est descendu dans la fosse qui est comblée pour devenir un tumulus. On plante des baguettes d’encens sur le nouveau tombeau et les anciens tombeaux voisins.