>>Tombeaux mystérieux à Bac Giang
Un des tombeaux dans la montagne d'A Mang. |
La montagne d’A Mang est un modeste relief karstique situé à quelques encablures du fleuve Cai. Ses pentes envahies par les broussailles cachent de vieux tombeaux patinés par les siècles, de formes et de dimensions variées. Aucune étude archéologique poussée n’a encore été menée, ce qui explique que leur origine demeure toujours aussi mystérieuse, ouvrant la voie à toutes les élucubrations.
«Ces tombeaux ont accompagné mon enfance. On en trouve du pied de la montagne jusqu’au sommet. Leur âge et l’identité de leurs occupants n’ont toujours pas été élucidés», explique Trân Moi, un paysan de 82 ans qui cultive du riz au pied de cette montagne, et qui sert à l’occasion de guide bénévole aux touristes. «Le temps a fait son œuvre, beaucoup de tombeaux ont été détruits. Néanmoins, il en reste encore plusieurs centaines, notamment en haut de la montagne».
Quatre styles de tombeau
Les tombeaux endommagés laissent entrevoir les matériaux de construction que l’on utilisait jadis, notamment blocs de pierre, liant fait de chaux, de poudre de coquille, de mélasse de canne à sucre et de sable blanc. Une technique éprouvée qui explique que ces monuments aient pu traverser les siècles. Selon les experts, la nécropole d’A Mang compterait quelque 500 tombeaux. Quatre formes architecturales ont été identifiées: yên ngua (harnais), mai rùa (carapace de tortue), bup sen (bouton de lotus), mai nhà (toit de maison).
Deux tombeaux à la forme architecturale de bup sen (bouton de lotus). |
Photo : CSTC/CVN |
D’architecture simple, les yên ngua sont les plus nombreux, et les bup sen, assez raffinés, les plus rares. Devant chaque tombeau trône une stèle de pierre, ornée de motifs gravés. Certains tombeaux sont entourés de murs, d’autres ont un portique voûté. Tous sont orientés face à l’Est ou le Sud-Est, c’est-à-dire que les défunts ont la tête dirigée vers la montagne.
«Connaître l’origine de ces tombeaux nécessiterait une étude archéologique poussée. Nous attendons avec impatience l’arrivée des scientifiques», souligne l’agrégé Nguyên Hoài Son, président de l’Union des associations des sciences et technologies de Phu Yên, auteur de l’ouvrage Vestige culturel des roches de Phu Yên. Certains portiques et stèles portent encore des traces d’idéogrammes. Mais, les déchiffrer sera l’affaire de spécialistes, tant ils sont dégradés.
Les théories sur l’origine de la nécropole
Une incertitude plane encore sur l’origine de cette nécropole. Selon des personnes âgées des environs, ces tombeaux seraient apparus vers les XVIIe-XVIIIe siècles. À cette époque, la région était particulièrement instable et la montagne d’A Mang aurait servi de lieu de sépulture aux soldats morts au combat. La forme du tombeau indiquerait la hiérarchie du défunt. Chaque tombeau avait une stèle en pierre. Mais par peur que les tombes soient profanées en cas de réoccupation de la zone par l’adversaire, les épitaphes furent effacées.
Selon d’autres hypothèses, il s’agirait d’une nécropole de Cham (de l’ancien royaume de Champa) ou de Chinois. D’après un ancien document archéologique, cette région du bas fleuve Cai était autrefois un carrefour de communication. Les échanges commerciaux y florissaient, notamment grâce à la présence de commerçants Chinois (comme ce fut le cas à Hôi An, par exemple).
L’agrégé Nguyên Hoài Son s’oppose à ces deux hypothèses: «Les investigations ne laissent voir aucun élément illustrant le mode d’enterrement traditionnel des Cham ou des Chinois. Par contre, on y trouve des traits caractéristiques des traditions des Vietnamiens». Le scientifique suppose que ces tombeaux seraient apparus à la fin du XVIIIe siècle, époque mouvementée qui vit s’affronter le roi Quang Trung au seigneur Nguyên Anh. Entre 1793 et 1801, Phu Yên fut un âpre champ de bataille.
Environ 500 tombeaux sont disséminés sur les flancs de la montagne. |
Photo : CSTC/CVN |
À maintes reprises, cette région fut prise et reprise par l’un ou l’autre des adversaires, pour enfin tomber dans les mains du seigneur Nguyên Anh en juillet 1801. La montagne d’A Mang aurait été choisie pour enterrer les soldats de ce dernier. «La forme de harnais des tombeaux pourrait styliser l’image d’un cavalier tombé au champ d’honneur», argumente-t-il.
Pour sa part, Phan Dinh Phùng, vice-président de la province de Phu Yên, a avancé une quatrième hypothèse, non liée à des champs de bataille celle-là, selon laquelle, du milieu du XVe au milieu du XVIIe siècle, Phu Yên aurait été une porte frontalière importante mais aussi un centre politique, économique et culturel très animé et fortement peuplé. «L’étude des tombeaux d’A Mang montrent qu’ils appartiennent aux Viêt anciens. Depuis des siècles, des morts ont été enterrés ici», affirme-t-il.
L’énigmatique nécropole de la montagne d’A Mang livrera-t-elle un jour ses secrets ? Selon le dirigeant de Phu Yên, seule une étude archéologique d’envergure impliquant les meilleurs spécialistes du pays permettra de dire laquelle de ces quatre hypothèses est la plus plausible. À moins qu’elle ne permette d’en faire émerger une cinquième, qui sait !
Nghia Dàn/CVN