L’éléphanteau le plus attendu du Tây Nguyên

Ban Nang, éléphante de Buôn Dôn (province de Dak Lak), mettra au monde un petit cet automne. Ce sera la première naissance parmi le cheptel d’éléphants domestiques du pays depuis trente ans !

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La future maman Ban Nang et le géniteur Y Mâm

L’événement est attendu avec impatience par les villageois de Buôn Dôn, connu dans tout le pays comme le «royaume des éléphants domestiques», eu égard à sa longue tradition de domestication des pachydermes. Depuis une trentaine d’années, aucune naissance n’a été enregistrée parmi les éléphants domestiques des hauts plateaux du Centre (Tây Nguyên en vietnamien). La future maman est Ban Nang, 37 ans. Elle appartient à Ama Mu. Le géniteur, Y Mâm, 40 ans, est la propriété de Dang Nang Long. Ce brave homme d’ethnie M’Nông est le descendant de troisième génération d’une famille de chasseurs et dresseurs de pachydermes. Il est connu aussi sous les surnoms de «docteur» et d’«entremetteur» des éléphants.

Libido et fécondité en berne

C’est le vétérinaire hollandais Willem Schaftenaar, ex-directeur du Jardin zoologique de Rotterdam et expert au Centre de protection des éléphants de Dak Lak, qui a pratiqué l’échographie et confirmé l’heureux événement. «Une nouvelle formidable, vraiment inespérée», confie Dang Nang Long. Inespéré car l’âge de procréation idéale chez les éléphants se situe d’ordinaire entre 7 et 12 ans.

Dans la province de Dak Lak, la capture et la domestication des éléphants ont été pratiquées pendant des siècles. Dans les années 1980, le cheptel de la province comptait plus de 500 têtes (surtout dans les districts de Buôn Dôn et Hô Lak). Il n’en reste aujourd’hui plus qu’une cinquantaine. «Cette chute est due à l’interdiction de capturer des éléphants sauvages, à la mortalité accrue faute de remèdes adéquats et, surtout, à la stérilité des bêtes», explique Dang Nang Long, propriétaire de sept éléphants.

Autrefois, les éléphants domestiques de Buôn Dôn servaient principalement au transport de bois et de marchandises. De nos jours, leur principal «job» est de balader les touristes. Les «éléphant rides» se poursuivent tout au long de la journée. Les touristes, à peine débarqués, laissent la place à d’autres qui se jettent dans la nacelle. Et c’est reparti pour un tour ! Cette reconversion dans les activités touristiques n’est probablement pas étrangère à leur fécondité en berne.

Dans le microcosme des dresseurs d’éléphants, Dang Nang Long, 47 ans, se distingue par ses connaissances vétérinaires. «Pour guérir un éléphant malade, il faut faire un diagnostic à la fois physiologique et psychologique, puis choisir des remèdes appropriés», révèle le vétérinaire autodidacte, dont la réputation résonne bien au-delà des limites du district. Il a traité, parfois sauvé la vie, à nombre de bêtes. «Je le fais gratuitement. Car les éléphants, c’est une partie importante de ma vie», explique-t-il. Fin 2011, Dang Nang Long a décidé de quitter son poste de directeur du site d’éco-tourisme de Hô Lak pour se consacrer entièrement à la sauvegarde de ces placides géants.

Sa grande inquiétude : la baisse graduelle du nombre d’éléphants domestiques et le vieillissement de la population. Et pas question d’aller «s’approvisionner» en forêt. L’espèce, en voie de disparition (le pays n’abriterait plus qu’une centaine de spécimens sauvages, ndlr), est strictement protégée. «Un jour peut-être, il n’y aura plus un seul éléphant domestique sur les hauts plateaux du Centre», s’inquiète-t-il.

Entremetteur d’éléphants

Dans la province de Dak Lak, la capture et la domestication des éléphants ont été pratiquées pendant des siècles.

Ces dix dernières années, Dang Nang Long a cherché à nouer des liens entre des mâles et femelles, avant de les lâcher dans leur milieu naturel. «Comme chez les humains, les éléphants se mettent en couple par affinité. Ils refusent tout acte contraignant», révèle «l’entremetteur». Parfois, les propriétaires d’éléphants s’opposent à ces rencontres galantes, car la gestation et le sevrage de l’éléphanteau empêchent pendant trois ans au minimum d’utiliser la femelle pour promener les touristes. Sans parler des risques imprévus (maladie, décès…) liés au fait que presque tous les éléphants locaux ont dépassé l’âge de procréation normal.

Pour compenser les pertes et ainsi convaincre les propriétaires récalcitrants, Dang Nang Long leur promet 100 millions de dôngs en cas de gestation. Déjà, quelques couples se sont formés. Les animaux sont lâchés en forêt, car ce n’est que dans un cadre naturel et isolé qu’ils pourront concrétiser leur union. Ainsi, c’est dans une clairière forestière à l’abri des regards qu’ «Y Mân le Courageux» et «Ban Nang la Douce» sont passés aux choses sérieuses. Quelques mois après, des signes positifs ont été notés chez la femelle. La bonne nouvelle a été rapportée au Centre de protection des éléphants de Dak Lak. Un groupe d’experts dirigé par le Hollandais Willem Schaftenaar s’est alors rendu sur place avec un échographe. Après des examens minutieux, Willem Schaftenaar a officialisé la bonne nouvelle : «Ban Nang est enceinte et la naissance devrait avoir lieu en octobre !». La future mère bénéficie d’une allocation de 400 millions de dôngs accordée par l’État, en vertu de la politique de protection des éléphants domestiques.

Les experts doivent se rendre toutes les semaines à Buôn Dôn pour suivre la gestation, la proposition d’amener l’éléphante au Centre de protection des éléphants de Dak Lak (distant de plus de 100 km de Buôn Dôn) ayant été refusée. C’est donc dans le village où elle vit depuis des décennies, auprès de son cornac, qu’elle mettra bas. Nul doute que la future maman sera très bien entourée le jour J et que les flashes crépiteront pour immortaliser les premiers pas du bébé !


Nghia Dàn/CVN

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