Le village de Montarcher mise sur l’eau de sa source

À l’arrêt depuis 2018, l’exploitation commerciale de la Source des perles, dans les monts du Forez (Loire), a été relancée en début d’année par un entrepreneur local qui mise sur l’essor du marché de l’eau en bouteille, dans un contexte global marqué par la raréfaction de l’or bleu.

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Un salarié de l’unité d’embouteillage de Montarcher. 
Photo : AFP/VNA/CVN

Le pari est de bénéficier de la “demande croissante d’amateurs d’eau en bouteille à des prix accessibles”, avec des contenants en verre et des circuits locaux, explique Jean-Louis Bissardon, à l’origine de la nouvelle unité d’embouteillage de Montarcher, un village de 70 habitants perché à 1.100 m d’altitude.

Au niveau mondial, le marché de l’eau en bouteille a connu un boom phénoménal (+73% en dix ans, un million de bouteilles vendues chaque minute en 2022), selon un récent rapport de l’ONU sur l’impact des prélèvements privés sur les ressources souterraines et sur la qualité de l’eau potable au robinet.

Le lancement de “L’eau de Montarcher” survient alors que l’exploitation de “l’or bleu” se développe dans un département moins frappé que d’autres par l’épisode de sècheresse. L’exploitation de la Source Diane (Eau de Sail) a repris fin 2022 à Sail-les-Bains, Badoit (groupe Danone) vient d’investir une dizaine de millions d’euros à Saint-Galmier, notamment dans une nouvelle ligne d’embouteillage, Sources Alma vient de prendre le contrôle de Parot, à Saint-Romain-le-Puy.

Gestion

Géologue dans la Loire depuis des décennies, Paul Royal dit n’avoir “pas connaissance” de conflits d’usage liés aux sites d’embouteillage “car l’eau qu’ils pompent n’est pas nécessairement celle de nappes phréatiques dont le niveau est actuellement bas”.

“On a parfois des situations où les mêmes aquifères, les structures géologiques qui renferment l’eau, répondent à plusieurs usages”, nuance David Labat, un chercheur en hydrogéologie à l’Université Toulouse 3.

“Localement, certains usages augmentent, chez les industriels ou chez les particuliers avec les piscines, alors que la recharge baisse” et “souvent les autorisations d’exploiter ne sont pas données à l’aune des dérèglements climatiques à venir, mais en fonction du passé”, observe-t-il en plaidant pour une gestion “au niveau des territoires, avec le concours des scientifiques”.

Dans l’unité d’embouteillage de Montarcher (Loire), où a été relancée en début d’année l’exploitation commerciale de la Source des perles. 
Photo : AFP/VNA/CVN

Jean-Louis Bissardon, lui, assure qu’il prélèvera “nettement moins que les 13% de la ressource estimée de l’aquifère auxquels nous autorise l’arrêté préfectoral”, soit 80 m3 par jour. Et ce, “même si la consommation devrait continuer à croître avec les sécheresses et canicules à venir”.

C’est avec le soutien du maire de Montarcher, très favorable à la relance de l’activité économique dans le village, que l’industriel a obtenu une concession d’exploitation de 30 ans de la Source des perles, une des 81 eaux de source exploitées en France.

“En 2018, on a vécu comme un coup dur l’arrêt de l’exploitation de cette source appartenant à la commune”, témoigne le maire Bernard Coutansone, en insistant sur la qualité de l’eau, garantie par un “périmètre de protection de 50 ha où l’activité humaine est très restreinte pour éviter toute pollution du sol”.

Avec quatre emplois au démarrage, “ce serait formidable qu’ils puissent monter à une dizaine de salariés”, s’enthousiasme cet enseignant à la retraite, en assurant que ses administrés sont “fiers de cette activité, qui apporte de l’animation et rapporte une petite redevance à la commune, pas comparable à celle d’un casino”.

Après un investissement de 2 millions d’euros en partie financé par des aides publiques, la nouvelle chaîne d’embouteillage automatisée remplit chaque heure 4.000 bouteilles en verre destinées principalement au secteur de la restauration, aux réseaux de magasins bio et commerces alimentaires de la région. Une goutte d’eau sur le marché français concentré autour de géants d’envergure internationale comme Danone Eaux France, Nestlé Waters France et groupe Alma.

“On peut aussi se poser la question de savoir si l’eau des aquifères est un bien commercial ou un bien commun, quand on voit que certains grands minéraliers font parcourir des milliers de kilomètres à des bouteilles dont jusqu’à 70% sont exportées”, souligne David Labat.

En phase avec les recommandations de l’ONU, l’hydrogéologue invite les pouvoirs publics à “rassurer la population sur l’excellente qualité de l’eau du robinet en France” face à l’essor des eaux en bouteille.

AFP/VNA/CVN

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