Le trou noir au centre de notre galaxie n'est pas si endormi qu'on le pensait

On croyait le colosse endormi mais il s'avère plus glouton que prévu : Sagittarius A*, le trou noir supermassif tapi au centre de la Voie lactée, a connu dans un passé récent un puissant regain d'activité après avoir dévoré les objets cosmiques à sa portée.

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Image du trou noir super massif au cœur de notre galaxie, Sagittarius A*, dévoilée par l'Observatoire sud-européen (ESO) le 12 mai 2022.
Photo : AFP/VNA/CVN

Le festin a eu lieu il y a 200 ans, et le satellite spatial de la Nasa IXPE en a récemment détecté l'écho, selon une étude parue mercredi 21 juin dans Nature.

Sagittarius A* (Sgr A*), qui doit son nom à sa détection dans la constellation du Sagittaire, est situé à 27.000 années-lumière de la Terre, au cœur de notre galaxie. Il a été observé dans les années 1990 par des astrophysiciens, et sa présence a été prouvée en images il y a un an.

D'une masse d'environ quatre millions de soleils, vieux de 13 milliards d'années, il a "toujours été vu comme un trou noir dormant", dit à l'AFP Frédéric Marin de l'Observatoire astronomique de Strasbourg, qui a dirigé les travaux.

Sgr A* se trouve dans un état de quiescence, comme la plupart des trous noirs supermassifs des centres galactiques qui ont avalé toute la matière dans leur rayon d'attraction. "On peut s'imaginer un ours entrant en hibernation après avoir tout dévoré autour de lui", ajoute ce chercheur du CNRS.

Mais son équipe a découvert qu'à la fin du XIXe siècle (une période établie via l'estimation de la distance), le monstre est sorti de sa torpeur et a englouti le gaz et de la poussière qui passaient trop près de lui, pendant plusieurs mois, voire une année. Avant de se rendormir.

Durant cette période, Sgr A* a été "au moins un million de fois plus lumineux qu'il ne l'est aujourd'hui", explique Frédéric Marin. Soit une puissance équivalente à celle des trous noirs supermassifs extrêmement actifs à l'origine des quasars, comme son congénère M87* de la galaxie Messier 87, à 55 millions d'années-lumière.

Le pic d'appétit de Sgr A* a été trahi par un rayonnement inhabituel de nuages moléculaires dans son voisinage: des géants faits de gaz et de poussières gelées, "par définition froids" et qui "ne devraient pas émettre autant de lumière en rayons X (invisibles pour l'œil humain, ndlr)", selon le chercheur.

"Chant du cygne"

"L'intensité de l'émission de rayons X entre le sommeil et le réveil (du trou noir, ndlr) peut être comparée à une luciole tapie dans une forêt qui deviendrait soudain aussi lumineuse que le soleil", complète le CNRS dans un communiqué.

Au terme d'un million de secondes d'observations, le satellite IXPE (Imaging X-ray Polarimetry Explorer) a réussi à détecter la polarisation de cette lumière X, c'est-à-dire que son champ électrique et son champ magnétique vibraient dans une direction précise.

À la manière d'un "compas stellaire", la polarisation a pointé en direction de Sgr A*, suggérant qu'il était à la source du rayonnement reflété par les nuages moléculaires. Le trou noir a ainsi "émis un écho de son activité passée, qu'on a réussi à observer pour la première fois", se félicite le scientifique, représentant français du consortium international de la mission IXPE.

La densité d'un trou noir est telle que rien ne peut s'en échapper, pas même la lumière. Mais avant que la matière ne franchisse l'ultime frontière (appelée horizon des événements) pour être engloutie à jamais, elle tourbillonne, s'échauffe et émet de la lumière.

"C'est comme un chant du cygne", transmis indirectement par les nuages moléculaires des abords de Sgr A*. Reste à savoir ce qui a provoqué ce regain: un nuage qui aurait dérivé avant de tomber dans le trou noir ? Une étoile qui se serait aventurée trop près ?

Des observations supplémentaires, prévues en septembre avec IXPE, devraient aider à mieux comprendre le cycle d'activité de Sgr A*, et peut-être lever un coin du voile sur l'origine des trous noirs supermassifs qui reste une énigme de l'astronomie.

AFP/VNA/CVN

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