Le Sacre du printemps, une dernière triomphale

Le chorégraphe français Jean-Claude Gallota présentait le 29 juin son Sacre du printemps, ballet original du compositeur russe Igor Stravinsky. Salle comble au Théâtre de la jeunesse de Hanoi, pour la dernière de la tournée asiatique de la troupe.

Les lumières de la salle s’éteignent, le rideau se lève dans un noir total. Un cri déchire le silence, un hurlement à vous glacer les sangs. Une jeune vierge est sacrifiée pour les Dieux à l’arrivée du printemps. Quand 13 danseurs entrent en scène, c’est dans le silence le plus total qu’ils se meuvent, sans musique, rythmés seulement par leurs pas. La lune éclaire la scène, et ils sont habillés comme sur une place publique. La salle retient son souffle.
Hommage au compositeur
I-Tumulte, qui met en scène le silence brut de la danse, est la première partie du Sacre du printemps du chorégraphe Jean-Claude Gallota, construit comme un hommage en trois temps au compositeur Igor Stravinsky.

"Le Sacre du printemps"


La troupe Emile Dubois, fondée en 1979 par Gallotta, donnait le 29 juin la dernière représentation de ce ballet en Asie, après trois dates en Indonésie et deux au Vietnam. Cette soirée clôt par ailleurs en beauté la première saison des évènements croisés de l’année 2013 France-Vietnam, organisés par l’ambassade de France à Hanoi.
Ce ballet provoqua un scandale à sa création en 1913 au théâtre des Champs-Élysées à Paris. Selon les chroniques du compositeur, c’est le spectacle d’un grand rite sacral païen qui s’y joue : la danse à la mort d’une jeune fille sacrifiée par les vieux sages pour leur rendre propice les Dieux du printemps.

Le chorégraphe et ses danseurs


La version de Gallota interprète librement “ Le Sacre ” . Comme le chorégraphe l’explique au début de la représentation, il refuse l’idée du sacrifice des femmes : «Nous sommes dans un espace démocratique où tout le monde doit avoir le choix, le droit à la vie et le droit à sa chance» , explique-t-il. Son interprétation se fonde au contraire sur la protection de ces femmes, il n’y a pas d’«Élue», glorifiée puis sacrifiée parmi les danseuses. Le chorégraphe rend ainsi hommage à ces femmes sacrifiées.
La seconde partie du ballet, avant “Le Sacre du printemps ”, est un solo en hommage au compositeur : II-Pour Igor. Une femme en noir danse seule au milieu de chaises d’enfant, comme une salle de classe. C’est à l’école que Gallota découvre “Le Sacre du printemps ” , et pour le chorégraphe, « c’est aussi un hommage à l’enfance, et à celle de Igor Stravinsky».
Résonne alors la voix de Stravinsky, puis danseurs reprennent les mêmes mouvements esquissés dans I-Tumulte, mais cette fois portés par la puissance sauvage de la musique de Stravinsky.
Les treize danseurs ont accompli samedi soir une performance incroyable, d’où se dégage énormément d’émotion, portée par chaque partie de leurs corps, jusqu’à l’expression de leur visage. Le ballet est une bataille, courte mais intense, où les corps s’écroulent, se relèvent, retombent sans arrêt.
Au salut final, c’est le triomphe. Le public, debout, rappelle à trois reprises, visiblement conquis. Interrogée sur ses impressions, une jeune femme confie : «Je n’ai jamais été très touchée par la danse contemporaine, mais ce soir le spectacle était simplement beau, la musique m’a entièrement imprégnée, j’ai adoré !»
À la sortie des loges, une danseuse de la troupe Emile Dubois nous fait part de sa joie : «Nous étions en Indonésie il y a quelques jours, et la réception était très différente, les gens sont plus réservés. Ici, même si le public a plus l’habitude des ballets classiques, l’accueil a été incroyable, extrêmement chaleureux et réceptif, c’est génial pour nous ».
Si elle a été également très bien reçue au Théâtre Bên Thành de Hô-Chi-Minh-Ville le 27 juin, ce succès à Hanoi est renforcé par le fait que le public est en grande majorité vietnamien, alors que les expatriés constituaient la moitié des spectateurs à Hô Chi Minh-Ville.
«La nouvelle danse» à l’honneur au Vietnam
Selon Patrick Girard, attaché culturel de l’Espace (Institut français de Hanoi), si la danse contemporaine est encore assez peu connue au Vietnam, «il y a un vrai travail à faire et beaucoup d’opportunités parce que les gens s’y intéressent vraiment». Il est ravi de l’excellent accueil de la salle ce soir-là, et précise qu’il est assez rare que les spectateurs vietnamiens acclament les artistes avec autant d’enthousiasme.
«C’est un genre méconnu qui demande à être plus montré. L’objectif est d’arriver à un vrai travail de coopération entre les danseurs français et vietnamiens, et il y a de grands espoirs placés dans la danse contemporaine dans ce domaine », confie Patrick Girard.
Le chorégraphe et ses danseurs.
Il a fait venir Jean-Claude Gallota au Vietnam à la suite d’une collaboration réussie lors de son précédent poste en Palestine. «Réussir cette tournée au Vietnam était un réel pari. Mais Jean-Claude Gallota est un très grand nom de la danse contemporaine, il est une figure représentative d’un certain milieu créatif français que nous voulions faire partager ici». Également directeur du Centre Chorégraphique National de Grenoble, Jean-Claude Gallotta est en effet considéré comme l’un des plus importants représentants de la nouvelle danse française, dont il a largement participé à l’essor et à la reconnaissance publique et institutionnelle.
Le deuxième cycle des événements croisés de l’Année France-Vietnam 2013, dans lequel s’inscrivait cette dernière représentation, reprendra fin septembre prochain. La danse contemporaine y sera de nouveau à l’honneur, parmi divers autres domaines artistiques. Soucieux d’approcher tous les styles, l’Espace proposera pour la rentrée un spectacle de la troupe rochelaise «Acrorap». Novices ou connaisseurs, c’est l’occasion de (re)découvrir le «hiphop poétique» à la française.

VNA/CVN

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