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Des touristes marchant devant la mairie de Rangoun, le 12 octobre 2017. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Le tourisme fait partie des secteurs économiques qui ont profité le plus rapidement et le plus massivement des changements de ces dernières années dans le pays. Gouvernée par une junte ultra-autoritaire, fermée au monde pendant près de 50 ans, le Myanmar s'est ouvert en 2011. Quatre ans plus tard, il accueillait près d'un million de voyageurs, contre seulement quelques milliers à l'époque de la junte.
Longtemps desservi par deux uniques avions en provenance de Bangkok, le pays accueille désormais une centaine de vols internationaux par jour. Des centaines de milliers de touristes viennent maintenant tous les ans admirer les immenses temples de Bagan dans le centre du pays, que le pays espère faire classer au patrimoine mondial de l'UNESCO, le lac Inle, ou se prélasser sur les plages de Ngapali (Ouest).
Le gouvernement tablait encore récemment sur 7,5 millions de touristes d'ici à l'horizon 2020, soit deux fois plus qu'actuellement. Et l'année avait bien commencé avec une hausse de 22% par rapport à l'an passé, d'après les chiffres du ministère du Tourisme.
Mais fin août, l'Ouest du pays s'est embrasé : après des attaques de la rébellion rohingya, une minorité musulmane, l'armée a lancé une campagne de répression, qui a conduit depuis fin août à la fuite de plus 580.000 civils rohingyas au Bangladesh voisin.
Annulations en cascade
Depuis, les annulations de voyages se font en cascade et les professionnels du tourisme sont très inquiets alors que débute en octobre, avec la fin de la saison des pluies, la saison haute pour le tourisme. "Quasiment tous les voyages prévus pour le mois d'octobre et novembre ont été annulés à cause de l'instabilité dans le pays, de la situation en État Rakhine", se désole Tun Tun Naing, directeur de l'agence New Fantastic Asia Travels and Tour.
"La plupart des groupes du Japon, d'Australie et d'autres pays asiatiques évoquent des raisons de sécurité et certains Européens ont clairement dit qu'ils boycottaient à cause de la situation humanitaire", ajoute-t-il. Certains hôtes de marque prennent aussi leur distance: le prince Charles, héritier du trône britannique, et son épouse Camilla, qui vont effectuer cet automne une tournée en Asie, ne passeront pas par le Myanmar.
Comme un retour en arrière pour ce pays, boycotté pendant des années par les touristes qui refusaient d'enrichir la dictature, d'autant plus que l'armée avait la main sur la plupart des complexes touristiques. Aung San Suu Kyi, à l'époque une dissidente en résidence surveillée, était la première à appeler au boycott de son pays par les touristes.
Des travailleurs construisent un hôtel à Myeik, en Birmanie, le 12 mai 2017. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Aujourd'hui, son gouvernement s'inquiète des effets de la désertion et a annoncé dans le journal officiel Global New Light of Myanmar la formation d'un comité en charge de la question des "touristes internationaux", en lien avec la crise des Rohingyas.
Déception
La situation en État Rakhine a en effet fait la Une des médias internationaux : dans cette région à la frontière avec le Bangladesh, des dizaines de villages ont été réduits en cendre et les témoignages des réfugiés font état de meurtres, viols et tortures par les soldats birmans. À quelques dizaines de kilomètres de la zone que fuient les Rohingyas, Mrauk-U, ancienne capitale du royaume du même nom, site archéologique majeur, est la première touchée.
"Tous les gens qui vivent du tourisme sont sans travail en ce moment", déplore Aung Soe Myint, guide à Mrauk-U. Ces dernières années, ce pays était devenu une destination à la mode chez les voyagistes occidentaux et asiatiques, à la recherche d'un pays épargné par le tourisme de masse.
Les rares touristes croisés au pied de l'immense pagode Shwedagon de Rangoun avouent que cette crise pose une toile de fond douloureuse sur leur voyage. "C'est très triste de voir ce que le pays est en train de devenir. Notre guide nous a expliqué que les musulmans étaient dangereux et qu'ils n'étaient pas birmans", raconte Christine, une touriste française, qui se dit très déçue.
Le niveau des réservations dans l'hôtellerie est en baisse de 30%, affirme Hervé Flejo, de l'agence Gulliver, qui gère un hôtel au bord du lac Inle (Centre), l'une des destinations phare du pays. Pour les vacances de Noël, les réservations sont au plus bas.