>> L'OPEP+ choisit le statu quo dans un contexte instable
>> La demande mondiale de pétrole a dépassé fin 2022 le niveau d'avant la pandémie
Un champ pétrolier dans la région de Kirkouk, en Irak, le 2 avril. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Au total, huit des 23 participants de l'OPEP+, qui réunit l'OPEP et ses partenaires, ont décidé de contracter leurs volumes de 1,16 million de barils par jour, avec au premier rang l'Arabie saoudite.
L'annonce a totalement pris à contrepied le marché, qui s'attendait à un statu quo, les Saoudiens ayant "signalé publiquement et en privé", jusqu'à la réunion, "qu'ils n'avaient pas l'intention d'intervenir pour l'instant", ont rappelé les analystes d'Eurasia Group.
"En général, ils envoient un ou deux ballons d'essais" avant la réunion, pour tester la réaction des opérateurs, a rappelé Andrew Lebow, de Commidity Research Group. "Mais cette fois, ça a été la gifle".
L'alliance a pris note lundi 3 avril de ces "ajustements volontaires" de production, à l'issue d'une réunion technique par visioconférence (JMMC) prévue de longue date. À l'unisson de ses membres, elle a assuré qu'il s'agissait "d'une mesure de précaution visant à soutenir la stabilité du marché pétrolier".
Mais pour les analystes, il s'agit surtout d'engranger "des revenus" supplémentaires, a commenté dans une note Jorge Leon, de Rystad Energy.
Ces coupes montrent que l'Opep+ fera tout pour "défendre un prix plancher bien supérieur à 80 dollars le baril", dit-il, sans se soucier des critiques des États-Unis et autres pays consommateurs, inquiets de l'inflation galopante.
Sous l'effet de la crise bancaire, les cours du brut sont en effet tombés en mars au plus bas en plus d'un an, "un niveau inacceptable pour les membres de l'OPEP+", explique Ibrahim al-Ghitani, expert du marché pétrolier, basé aux Émirats.
"Réductions réelles"
Photo fournie le 1er avril par les autorités irakiennes d'une raffinerie à Karbala, en Irak. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Après cette action concertée des gros producteurs d'or noir, la réaction des marchés a été immédiate : les deux références mondiales ont décollé d'environ 8% en début de séance, renouant avec leur niveau d'avant les tumultes du secteur bancaire.
Le baril de Brent de la mer du Nord, principale référence européenne, pour livraison en mai, a clôturé en hausse de 6,30%, à 84,93 USD.
Quant au West Texas Intermediate (WTI), variété américaine la plus suivie, également pour échéance en mai, a gagné 6,27%, à 80,42 USD.
L'Irak, l'Algérie, l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Oman, le Kazakhstan, le Koweït et le Gabon vont donc procéder à partir du mois prochain à d'importantes réductions, et ce jusqu'à fin 2023. Elles vont de 500.000 barils par jour (bpj) pour Ryad à 8.000 bpj pour Libreville.
Moscou a pour sa part prolongé sa mesure de réduction de 500.000 bpj jusqu'à fin 2023.
Au total, le volume laissé sous terre sera "d'environ 1,66 million de barils quotidiens", a précisé l'OPEP+.
"La plupart des réductions seront effectuées par des pays qui produisent au niveau ou au-dessus des quotas" fixés, ce qui implique "des réductions réelles de l'offre" et un resserrement du marché, ont souligné les analystes de DNB.
D'autres pays pourraient également "annoncer leurs propres coupes s'ils le jugent (...) nécessaire", selon le vice-Premier ministre chargé de l'Énergie Alexandre Novak, interrogé par la télévision russe Rossiya 24.
"C'est leur affaire"
Et contrairement aux mesures similaires prises par l'OPEP+ devant la pandémie ou les craintes de récession, cette fois la demande mondiale de pétrole augmente. La Chine rouvre son économie après avoir levé les restrictions sanitaires.
Si les coupes atteignent effectivement les niveaux annoncés, "cela va tendre encore un peu plus un marché déjà serré", a prévenu Jorge Leon, qui voit le Brent monter jusqu'à 110 USD cet été.
Cette annonce vient s'ajouter à ce qui avait déjà été décidé en octobre, à savoir une baisse du volume de deux millions de bpj. Il s'agissait alors de la plus importante réduction depuis l'émergence du COVID-19.
C'est un nouveau revers pour Washington, qui plaide pour une ouverture des robinets d'or noir afin de contenir les prix, estime Caroline Bain, de Capital Economics.
Cette baisse de production "n'est pas opportune", a dit John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain, qui a toutefois cherché à en relativiser l'impact et indiqué que les États-Unis entendaient continuer à "travailler" avec l'Arabie saoudite.
Le Kremlin a défendu lundi 3 avril une décision prise "dans l'intérêt" du marché mondial, pour maintenir les cours "au bon niveau", selon le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.
AFP/VNA/CVN