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Le PDG de Lactalis, Emmanuel Besnier, entendu par les députés à l'Assemblée nationale, le 7 juin. |
Le très discret patron du géant laitier, qui a montré beaucoup de réticence à venir s'expliquer, a été fraîchement accueilli par le président de la commission d'enquête parlementaire sur la gestion de cette affaire. "Allez-vous continuer avec vos conseils à essayer de torpiller cette commission?", a lancé Christian Hutin en préambule, évoquant la tentative des avocats de Lactalis d'obtenir l'interruption des travaux de la commission d'enquête jusqu'à l'issue des procédures pénales.
M. Besnier a assuré avoir décidé de mettre finalement fin à cette tentative. Il a essayé de justifier, pied à pied, la gestion de la crise par le groupe, dans une atmosphère tendue. "Le groupe Lactalis est différent de l'image qu'on veut lui attribuer", a-t-il déclaré, expliquant qu'il assumait le caractère de discrétion de l'entreprise "car c'est lié à ma personnalité". "Certains veulent transformer cette discrétion en opacité, c'est une erreur", a-t-il ajouté.
Fin 2017, 36 nourrissons ont été atteints de salmonellose après avoir bu un lait infantile des marques Picot et Milumel produit dans son usine de Craon en Mayenne. Les causes de la maladie de deux autres nourrissons sont encore recherchées. D'ordinaire, les processus de rappel/retrait de produits présentant des problèmes sanitaires sont communs dans l'Hexagone. Mais dans ce cas précis, le processus de retrait s'est révélé chaotique et la révélation de nombreux dysfonctionnements ayant mené à la contamination a donné lieu à l'ouverture d'une enquête judiciaire. Elle a aussi convaincu les députés de créer cette commission d'enquête parlementaire.
"Pas de responsables dans l'usine"
Chronologie de l'affaire du lait infantile, fabriqué par Lactalis, contaminé par des salmonelles. |
"Je renouvelle mes excuses auprès des familles des bébés malades, de celles qui se sont inquiétées", a déclaré M. Besnier dès le début de l'audition. "Nous avons failli à notre mission, nous n'aurons jamais assez de mots pour nous excuser", a-t-il assuré.
Plusieurs députés ont exprimé leur exaspération, dont le député MoDem Richard Ramos qui a clamé "c'est insupportable de vous entendre", en reprochant au patron de Lactalis d'avoir refusé de rencontrer l'association des familles de victimes. "Nous n'avons pas pu les rencontrer car nous sommes dans une procédure judiciaire", s'est justifié M. Besnier. Pressé de questions sur la sécurité de l'usine, le PDG de Lactalis s'est expliqué sur l'origine des contaminations et a assuré que l'entreprise "avait revu l'ensemble des plans de maîtrise sanitaire", à Craon, comme dans les autres sites du groupe.
"C'est un accident, il n'y a pas de responsabilité de personnes à l'intérieur de l'usine", a-t-il assuré. "Nous avons fait des travaux au 1er trimestre 2017 dans l'environnement de la tour numéro 1. Ces travaux ont libéré la salmonelle qui était à l'intérieur des bâtiments", a-t-il poursuivi. Tout en affirmant ne pas vouloir "se défausser", M. Besnier s'est interrogé sur la responsabilité du laboratoire d'analyses qui n'a pas détecté de traces de salmonelle sur les produits finis, "alors qu'en refaisant des tests sur les échantillons après la crise, il s'avère que quelques produits étaient positifs".
Pour justifier la remise en route de l'usine de Craon fin mai, pour des tests qui précéderont un redémarrage de la production d'ici l'été, M. Besnier a assuré que le groupe "avait pris la décision de fermer définitivement la tour numéro 1 à l'origine de l'incident", et qu'il allait désormais partager ses analyses entre au moins deux laboratoires, dont des laboratoires publics. Remerciant finalement le PDG de sa présence, M. Hutin a conclu l'audition en conseillant "avec cordialité" à M. Besnier de "forcer sa nature dans la communication, ne serait-ce que pour aller voir les victimes".