Le papier do, support de l’art ancestral et contemporain

L’artiste visuelle Lê Hiên Minh conçoit depuis une vingtaine d’années des œuvres à base de papier do, qui lui ont permis d’acquérir une belle reconnaissance, au Vietnam mais aussi dans le reste du monde.

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L’artiste Lê Hiên Minh se lance depuis une vingtaine d’années dans la conception des œuvres à partir du papier +do+.
Photo : GDTD/CVN

Née en 1979, Lê Hiên Minh a baigné dès le plus jeune âge dans le bain artistique. En effet, sa mère était peintre, son père chercheur dans le domaine des écritures chinoise et sino-vietnamienne, et son grand-père un écrivain très populaire du XXe siècle.

Lê Hiên Minh est aujourd’hui une artiste visuelle honorée au Vietnam ainsi que dans le monde pour ses œuvres originales. Attachée au papier do, fabriqué à partir de l’écorce du rhamnoneuron balansae, elle participe activement à la nouvelle scène artistique vietnamienne, mélangeant les arts traditionnels et contemporains.

La rencontre avec le papier do

Il y a une vingtaine d’années, l’art visuel était encore nouveau au Vietnam. Pourtant, Lê Hiên Minh, très jeune à l’époque, décida de s’y lancer.

Elle a fait des études en peinture à l’huile à l’Université des beaux-arts de Hô Chi Minh-Ville jusqu’en 1998 et ensuite été diplômée en 2004 en art de l’Académie d’arts de Cincinnati aux États-Unis. Elle découvre ainsi le milieu artistique américain, basé au contraire sur l’expression de sa personnalité.

Lê Hiên Minh explique qu’elle s’est cherchée pendant quelques temps avant de se trouvée artistiquement : "J’ai cherché à m’exprimer avec différentes matières et manières, par exemple l’art vidéo, l’interprétation, la peinture, etc. C’est vers ces derniers que je me suis tournée mais je n’étais toujours pas satisfaite de mes œuvres".

Une œuvre sculpturale en papier "do", conçue par Lê Hiên Minh, visant à se poser des questions sur le rôle des femmes.
Photo : GDTD/CVN

C’est en 2003 que Lê Hiên Minh s’est familiarisée avec le papier do. Attirée tout d’abord par curiosité, elle ne pensait pas qu’elle s’y attacherait longtemps. Or, petit à petit, cette matière ne l’a plus quitté : "Le papier +do+ est la matière qui m’a permis de me trouver et de me réaliser en tant qu’artiste. Je suis si contente que ce soit un matériau spécifique du Vietnam".

Depuis lors, elle n’a pas cessé de concevoir des œuvres sculpturales et des installations originales à base de ce papier typique. Elle s’est faite connaître d’abord en rendant hommage à son père. Elle a en effet réalisé plusieurs expositions mettant en valeur le travail de son père sur les écritures sino-vietnamiennes. En 2012, à l’occasion de l’anniversaire de la mort de ce dernier, elle organisa une exposition par laquelle elle présenta pas moins de 1.000 créations conçues à base du papier do. Elle fit publier en parallèle un ouvrage intitulé Còn lai (Ce qui reste), rassemblant des clichés des objets et outils utilisés par son père ainsi que des souvenirs le concernant. Cet ouvrage servit de catalogue à l’exposition, mais est une œuvre d’art en elle-même.

En travaillant sur ce matériau ancien, Lê Hiên Minh est la digne héritière de pratiques artistiques et culturelles vieilles de milliers d’années.

Créer des œuvres pour questionner les traditions

En 2016, Lê Hiên Minh a organisé sa première exposition sur la relation qu’entretiennent les femmes avec les traditions. À l’époque, elle avait demandé aux visiteurs d’écrire sur de petits bouts de papiers qu’elle récoltait ensuite ce que devait être pour eux le rôle de la femme dans une société. Lê Hiên Minh avait reçu à de nombreuses reprises la même réponse : la mission la plus importante de la femme est de donner naissance à un garçon. Cette réponse avait alors suscité maintes réactions fortes d’autres visiteurs et des internautes. Ces questions furent ainsi à l’origine de véritables dialogues entre les gens, rendant l’art plus important encore.

Cinq ans après, elle décida de matérialiser les stéréotypes sur les femmes présents dans la société. C’est ainsi que sa dernière exposition, qui s’est terminée en juin 2021, donnait à voir trois statues réalisées à partir de papier do et installées chacune sur une machine à laver, un évier et un lit. Les trois statues sont liées par une ficelle représentant un cordon ombilical, afin de symboliser les missions des femmes : faire le ménage et donner naissance aux enfants. L’artiste exprime le fait qu’aujourd’hui encore, dans la société vietnamienne, les femmes, aussi talentueuses soient-elles, ne sont pas respectées si elles n’assument pas correctement ces missions.

Lê Hiên Minh puise dans la culture pour créer des œuvres d’art mais quelques fois, selon elle, il faut aussi la mettre au défi et la questionner. Nous sommes en effet toutes et tous le produit des traditions antérieures mais l’art peut être un formidable moyen de questionnement et de libération, que l’on soit artiste ou simple curieux.


Mai Quynh/CVN

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