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Le +nuoc mam+ est conservé dans des fûts en plein air. |
Photo : VNA/CVN |
Un bol de nuoc mam (sauce de poisson) est toujours placé au centre de la table afin que chacun puisse l’atteindre. Certains peuvent ne pas manger de légumes, d’autres de viande, mais tout le monde consomme du riz et du nuoc mam.
Au Vietnam, la sauce de poisson est largement utilisée, en assaisonnements, en sauce, aussi bien pour les humbles repas quotidiens que les festins réunissant des dizaines de convives. On dit que le nuoc mam permet de distinguer la nourriture vietnamienne de celle de ses voisins.
Une spécialité vietnamienne
Personne ne sait exactement quand les Vietnamiens ont commencé à fabriquer et à utiliser ce condiment. Il a d'abord été documenté dans le Dai Viêt su ky toàn thu (Annales complètes du Dai Viêt), un livre compilé par l'historien royal Ngô Sy Liên au XVe siècle. L’ouvrage mentionne qu'au Xe siècle, des habitants ont fait de la sauce de poisson et ont offert ce condiment aux rois. Cela indique que les Vietnamiens utilisaient cette sauce avant le Xe siècle et que c'était déjà une spécialité bien connue.
D'autres livres d’histoire vietnamiens ont également enregistré le nuoc mam comme une spécialité de certaines zones du Centre du Vietnam. Sous la dynastie des Nguyên (1802-1945), les familles qui le fabriquaient devaient payer chaque année aux autorités une quantité fixe de cette sauce.
Un cadeau de la mer
Que serait la cuisine vietnamienne sans nuoc mam. |
Le nuoc mam comprend deux éléments : le poisson et le sel. Des couches de poisson et de sel alternées sont conservées dans une cuve en bois pendant six mois à un an. Le liquide de couleur ambrée né du processus de fermentation est recueilli.
Le poète américain Bruce Weigl, qui a combattu sur le champ de bataille de Quang Tri (Centre) en 1967 et 1968, a décrit son expérience du nuoc mam. «C'était délicieux : une combinaison merveilleuse de piquant et de douceur et la richesse aussi du goût de la rivière... Pour moi, la sauce de poisson est l'odeur du Vietnam». Bruce Weigl a décidé d’en fabriquer lui-même chez lui aux États-Unis.
Le nuoc mam est utilisé dans la plupart des préparations culinaires vietnamiennes. Il figure aussi sur la table, comme assaisonnement. Il est à employer avec précaution car son goût est assez relevé. «Dans un repas vietnamien, le riz est comme la quintessence de la terre, la sauce de poisson est la quintessence de l'eau. Ils symbolisent l'eau et la terre des cinq éléments fondamentaux de l'univers (les autres étant le feu, le métal et le bois). Ce condiment est consommé dans tout le pays mais chaque région l’utilise différemment. Dans la culture culinaire de Huê (ancienne capitale impériale), il existe au moins 30 sauces différentes, pour accompagner des plats aux saveurs variées : salées, sucrées, aigres, épicées, équilibrées, légères, fortes», a écrit le chercheur en culture Trân Dang Anh Son.
Il y a de nombreuses façons de classer le nuoc mam, selon le Professeur Nguyên Thi Tuyêt Ngân, de l'Université des sciences sociales et humaines de Hô Chi Minh-Ville. Il existe la sauce de poisson crue ou cuite, celle sous forme de liquide ou de pâte, celle faite à partir de poissons d'eau douce ou de poissons d'eau salée, sauce au poisson ou à la crevette, au crabe ou aux calmars. Car outre des poissons, les habitants des trois régions du Vietnam utilisent également des crabes, des crevettes ou des calmars pour produire le nuoc mam.
Des habitants de Thai Binh (Nord) ou de Thanh Hoa (Centre) sont depuis longtemps célèbres pour leur nuoc mam cay, une sauce de crabes des eaux saumâtres. Des crabes sont broyés, puis on ajoute du sel. Ce mélange est mis au soleil pendant un mois pour fermenter. Les plats comme viande de porc, rau lang (pousses ou bourgeons de patates douces) ou liserons d’eau s’accommodent bien de la sauce aux crabes des eaux saumâtres.
Thuy Hà/CVN