Le monde surnaturel des La Hu

Les La Hu sont une des 53 minorités ethniques du Vietnam. Cette communauté appartenant au groupe ethno-linguistique tibéto-birman s’est regroupée dans la province de Lai Châu (Nord) où elle habite sur les flancs de montagne entre 50 m et 1.000 m.

>>Le superbe turban féminin de l’ethnie La Hu

>>Cérémonie de culte au fondateur du village chez les La Hu

Des femmes La Hu.
Photo: Thanh Hà/VNA/CVN

Lors de mon dernier voyage dans la province montagneuse de Lai Châu (Nord) à la frontière de Chine, je me suis intéressé particulièrement aux La Hu, appelés encore Cò Sung, Xá, Kha, Xá aux feuilles jaunes…

Originaires des plateaux de Tsin Tao, au nord du Tibet, issus des Khuong et des Dich, les La Hu seraient descendus vers le sud pour peupler le Yunnan chinois au XVIIe siècle, puis au XIXe siècle plusieurs autres pays: Myanmar, Thaïlande, Laos, Vietnam. Malgré les frontières nationales, se sont maintenues les relations au sein de la communauté La Hu marquée par des traits communs. Le terme "La Hu" pourrait signifier "fort comme le tigre". Il est associé au tigre d’une façon ou d’une autre (chasse au tigre, griller la viande de tigre…). Le roi de la jungle serait-il le totem des La Hu?

Contrairement aux La Hu du Yunnan en Chine qui avaient pratiqué depuis très longtemps la culture du riz en terrain inondé, ceux du Vietnam s’étaient adonnés à la culture sur brûlis (le rây) d’où le nomadisme jusqu’à la libération du Nord-Ouest après Diên Biên Phu (1954). Pour les aider à mettre fin à leur vie instable et précaire, le gouvernement les a encouragés à sédentariser leur existence et à cultiver le riz en terrain inondé. Ils ont pu ainsi constituer des villages fixes de 20 à 30 foyers et améliorer leurs moyens d’existence.

Mais depuis une dizaine d’années, des difficultés nouvelles surgissent à cause de la détérioration des forêts et d’autres épreuves socio-économiques. La pratique du rây renaît en partie au détriment de l’environnement. Le gouvernement déploie de grands efforts pour intensifier dans toutes les régions montagneuses son programme de liquidation de la faim et de réduction de la pauvreté.

Dans l’ensemble, les La Hu ont gardé leurs anciennes croyances. Différents des La Hu de Chine, ceux du Vietnam n’ont pas encore été influencés par les grandes religions,-confucianisme, bouddhisme et taoïsme. Le culte des morts pratiqué depuis longtemps n’est consacré qu’aux parents décédés (fantômes du père et de la mère et non à tous les ancêtres comme chez les Viêt). Dans une famille, ce n’est qu’à la mort du père que le fils aîné a le droit d’établir l’autel, simple claie de bambou fixée au haut du mur, au-dessus du lit. Sur cette petite pièce rectangulaire ou carrée sont disposées quatre sections de tige de bambou servant de bols pour contenir les offrandes cultuelles: riz et thé.

Nouvelles maisons pour les La Hu.
Photo: Xuân Truong/VNA/CVN

Le ciel est peuplé d’esprits (fantômes) bons et mauvais dont le plus puissant est Mô ma (Seigneur Ciel). On lui rend les honneurs au Jour de l’An pour demander ses bienfaits. Thò po a ma (Accoucheuse) est aussi un esprit important qui s’occupe de la naissance et de la mort. Elle porte sur sa poitrine six mamelles pour allaiter les hommes, et sur son dos sept mamelles pour allaiter les esprits. Elle habite au ciel un hameau doté d’un grand lac dans lequel toute femme qui veut avoir un enfant doit se baigner, et d’un pêcher dont le fruit plus ou moins grand engendre un bébé fort ou faible. C’est elle qui donne à chaque mortel un métier, les plus beaux étant ceux de sorcier et de forgeron.

Les trois mondes des La Hu

Comme les autres peuples du groupe tibéto-birman, les La Hu croient que l’univers comprend trois mondes: les mondes d’êtres du ciel, du sous-sol et de la terre. Quand il fait nuit sur la terre, il fait jour dans le sous-sol où descend le soleil. Jadis les êtres de la terre et du sous-sol pouvaient se rejoindre à travers un trou profond qui fut malheureusement comblé.

Selon une conception animiste, les La Hu attribuent une âme (la) aux animaux domestiques (buffle, bœuf, cochon) et sauvages ainsi qu’aux plantes (riz, maïs), tandis que l’homme possède jusqu’à douze âmes. Dans la maison, les âmes principales se réunissent autour de l’âtre. Les âmes secondaires de chaque membre de la famille errent partout. Si elles s’égarent ou sont attrapées par des esprits malins, l’individu est malade et doit être exorcisé.

On distingue les esprits bienfaisants des esprits malfaisants. Les premiers (esprits de la maison, y compris ceux des parents et ancêtres, esprits de la cuisine, du mur, du vent, du tonnerre…) protègent la famille mais aussi la punissent (accidents, maladies) si elle commet des méfaits ou néglige leur culte. Les esprits malfaisants (esprits de la forêt, de la source, du banian, du sol, des victimes de male mort..) doivent être adorés convenablement pour éviter leurs méfaits constants.

Huu Ngoc/CVN
(Juin 2003)

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