>>Les héroïnes futuristes de Louis Vuitton, les geishas kitsch de Miu Miu
Les créateurs se détournent de la soie épaisse traditionnellement utilisée pour fabriquer les kimonos au profit de matières comme le jersey, la laine et même la toile de jean.
«Le kimono est mode, on ne doit pas le présenter comme dépassé», dit le couturier japonais spécialisé Jotaro Saito. «Je veux faire passer un message, il peut se porter tous les jours, il peut se porter comme un vêtement moderne, pas comme si les gens mettaient un costume».
Une mannequin présente une création du musicien et couturier japonais Yoshiki (gauche, au piano) lors de la présentation de la première collection Yoshikimono à Tokyo |
«Kimono», qui signifie «quelque chose à mettre», était à l’origine un mot fourre-tout qui désignait toute une série de vêtements portés au cours des siècles par les Japonais et les Japonaises. Aujourd’hui, il désigne une longue tunique fermée en particulier par une large ceinture appelée «obi».
Le déclin du kimono date de la fin du XIXe siècle, lorsque le Japon s’ouvrit aux influences extérieures après des siècles d’isolement, le début d’un processus qui verrait les générations futures se vêtir à l’occidentale.
Le kimono ne s’en est jamais tout à fait remis, principalement du fait de son coût prohibitif pouvant aller jusqu’à des milliers d’euros. Les mariées louent leur kimono plutôt qu’elles ne l’achètent.
Si l’on voit encore souvent des femmes portant le kimono dans les villes japonaises, ce vêtement compliqué est la plupart du temps réservé aux grandes occasions.
Imprimé léopard et fourrure
Pour le revêtir, il faut en effet maîtriser l’art de faire des nœuds complexes qui permettent de le porter bien serré.
Pour tenter de lutter contre le revers de fortune du kimono, les autorités soucieuses de préserver les traditions ont mis au point toute une série d’opérations, comme le «passeport kimono» à Kyoto qui offre à celles qui le portent des remises sur certains magasins et restaurants.
Mais l’industrie de la mode pourrait en faire encore davantage pour apporter à cet habit un souffle nouveau.
Une création du couturier japonais Yoshiki lors de la présentation de la première collection Yoshikimono |
Jotaro Saito est né à Kyoto au sein d’une famille qui teignait les kimonos et travaille avec ce vêtement depuis 20 ans. Pour lui, le changement est crucial si le kimono veut avoir un avenir dans la mode.
«Il faut faire évoluer le kimono. On ne peut pas se contenter de faire ce que faisaient déjà les générations précédentes», estime-t-il.
«Nous devons répondre à la rue, modifier les patrons traditionnels et faire quelque chose qui convienne à la vie des femmes d’aujourd’hui, sans que le kimono ne perde son âme».
Son kimono ne lésine pas sur la main d’œuvre. Tout est fait à la main, de la teinture à la couture en passant par les broderies et il peut coûter jusqu’à un million de yens (7.300 euros).
Mais ses tissus - jean, polyester ou soie luxueuse - arborent des motifs originaux tandis que les vêtements comportent des touches modernes telles que des capuches fourrées.
Pour ses débuts à la Semaine de la mode, la star du hard rock et créateur Yoshiki a collaboré avec une maison de Kyoto pour présenter sa collection.
Raccourcis façon minijupe, assortis de talons aiguilles, de cols en cuir, ses kimonos en imprimé léopard sont prêts du corps.
Le co-fondateur du groupe X Japan explique qu’il veut que les femmes puissent porter ses créations pour assister à des concerts.
«J’ai essayé de mêler rock ‘n’ roll et tradition», dit-il. «Nous avons aussi une collection traditionnelle mais aujourd’hui, j’ai mis l’accent sur la version sexy».
Mettre un kimono n’est pas simple, si bien que nombre de femmes sont obligées de prendre des cours ou de regarder des formations sur YouTube.
«C’est ridicule, simplifions les choses !», lance Souta Yamaguchi, directeur de mode indépendant qui associe le kimono au street wear. «Créons un kimono qui se porte avec une ceinture, sans ficelles et sans nœuds».
Les puristes avaient mal réagi dans un premier temps au changement. Mais «les traditionalistes se rendent désormais compte que ces versions modernes peuvent servir de pont pour attirer une clientèle jeune», dit Manami Okazaki, auteure de l’ouvrage «Kimono Now».