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Une femme pleure pendant une cérémonie pour les victimes des attentats à Negombo, au Sri Lanka, le 23 avril. |
"Les auteurs des attaques ayant visé des ressortissants des pays de la Coalition (anti-EI) et les chrétiens au Sri Lanka avant-hier sont des combattants de l'EI", a annoncé l'organisation via son agence de propagande Amaq, en joignant une photo et une vidéo censées montrer les sept assaillants impliqués dans le massacre.
Des kamikazes ont provoqué un carnage dimanche 21 avril dans trois hôtels de luxe et trois églises, en pleine messe, à Colombo et ailleurs dans le pays. Les autorités locales ont attribué le bain de sang au mouvement islamiste local National Thowheeth Jama'ath (NTJ), qui ne l'a pas revendiqué, et cherchent à savoir s'il a bénéficié d'un soutien logistique international.
Le Sri Lanka a arrêté 40 personnes mais des suspects sont encore en fuite, d'après le Premier ministre Ranil Wickremesinghe.
Interrogé sur la possibilité de nouvelles attaques, le chef du gouvernement a indiqué en conférence de presse mardi 23 avril que "rien n'est exclu". "Certains" suspects en cavale pourraient détenir des explosifs, a-t-il ajouté en réponse à une question.
Sept cibles
Les éléments de l'enquête dont l'AFP a eu connaissance mardi 23 avril permettent d'éclaircir la chronologie et les circonstances de ces Pâques sanglantes.
Sur les huit explosions de bombes au total ce jour-là, les six premières, en début de matinée, sont des attentats suicides contre trois églises et trois hôtels de luxe - le Cinnamon Grand Hotel, le Shangri-La et le Kingsbury. Deux explosions ultérieures, survenues en début d'après-midi à Colombo, sont le fait de suspects qui se sont donné la mort pour échapper à l'arrestation.
Deux frères sri-lankais musulmans figurant parmi les kamikazes ont joué un rôle-clé dans ce déchaînement de violence, au cours duquel un autre attentat suicide a échoué dans un quatrième hôtel de luxe à Colombo, ont révélé mardi 23 avril des sources proches de l'enquête.
Selon les policiers, ces deux frères d'une trentaine d'années dont les noms n'ont pas été révélés opéraient une "cellule terroriste" familiale et jouaient un rôle-clé au sein du NTJ. Les enquêteurs ignorent toutefois encore si les attaques sont le fait de cette seule "cellule", ou d'équipes séparées mais coordonnées.
Les cercueils de victimes des attentats de Pâques sont transportés par leurs proches pendant une cérémonie funéraire à Colombo, au Sri Lanka, le 23 avril. |
Photo: AFP/VNA/CVN |
Un quatrième hôtel de luxe de la capitale sri-lankaise, adjacent aux trois frappés, figurait sur la liste des objectifs. Pour une raison indéterminée, le sac à dos rempli d'explosifs du kamikaze chargé de cette cible n'a pas explosé et il a pris la fuite, ont indiqué des sources policières à l'AFP.
Cerné par les forces de l'ordre quelques heures plus tard dans la banlieue sud de Dehiwala, le suspect s'est alors fait exploser. À peu près au même moment, dans le nord de Colombo, à Orugodawatta, la femme d'un des frères kamikazes a actionné des explosifs lorsque les forces de l'ordre sont arrivées à leur résidence familiale, tuant avec elle-même ses deux enfants et trois policiers.
Enterrements en série
Le Sri Lanka a rendu mardi 23 avril un hommage poignant aux 321 morts des attentats. Parmi les tués figurent au moins 39 étrangers, selon la police. Au moins 45 enfants et adolescents sont morts, selon l'ONU.
L'île de 21 millions d'habitants est restée silencieuse durant trois minutes à 08h30 locales (03h00 GMT), heure de la première explosion d'un kamikaze deux jours auparavant, à l'église catholique Saint-Antoine de Colombo.
Des Sri-Lankais ont laissé libre cours à leur douleur lors de messes en hommage aux morts de ces attentats, les pires violences qu'ait connu le pays depuis, il y a dix ans, la fin de la guerre civile entre la majorité cinghalaise et la rébellion indépendantiste tamoule.
Le gouvernement a décrété une journée de deuil national. Les magasins vendant de l'alcool étaient fermés, les drapeaux en berne et les radios et télévisions devaient adapter leur programmation musicale.
Le cimetière Madampitiya de Colombo, normalement vert et tranquille, connaissait mardi un défilé continu de personnes en deuil. En temps normal, son fossoyeur Piyasri Gunasena, 48 ans, creuse rarement plus d'une tombe par jour. Mardi, il en était à sa dixième de la journée.
Malgré ses décennies à côtoyer la mort, il a eu du mal à contenir le tremblement de ses mains en creusant pour l'enterrement d'un bébé de onze mois.
"Chaque fois que je creuse une tombe pour un enfant, je pense à ma petite-fille et j'ai envie de pleurer", confie-t-il à l'AFP. "Même pendant la guerre, ce n'était pas aussi chargé".
Rivalités au sommet de l’État
L'organisation NTJ avait fait il y a dix jours l'objet d'une alerte diffusée aux services de police, selon laquelle elle préparait des attentats suicides contre des églises et l'ambassade d'Inde à Colombo.
D'après le porte-parole du gouvernement, cette alerte n'avait pas été transmise au Premier ministre ou à d'autres ministres de haut rang. Un élément qui pourrait relancer la crise au sommet de l'État sri-lankais.
La police est en effet de la juridiction du président Maithripala Sirisena, en conflit ouvert avec son chef de gouvernement. Il l'avait limogé à l'automne mais avait été forcé de le réinvestir après sept semaines de chaos politique. Les deux têtes de l'exécutif se vouent une animosité réciproque.
"Je compte procéder à des changements importants dans la gestion des forces de sécurité au cours des prochaines 24 heures", a annoncé le président dans une allocution à la nation. "La réorganisation des forces de sécurité sera achevée d'ici une semaine", a-t-il promis.
Environ 1,2 million de catholiques vivent au Sri Lanka, un pays majoritairement bouddhiste (70%) qui compte aussi 12% d'hindous et 10% de musulmans.
AFP/VNA/CVN