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Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, prononce un discours au Forum de Davos, le 18 janvier. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"Certains producteurs d'énergies fossiles étaient parfaitement conscients dans les années 1970 que leur produit phare allait faire brûler la planète", a affirmé Antonio Guterres dans un discours au Forum de Davos, en Suisse. "Mais, comme l'industrie du tabac, ils ont fait peu de cas de leur propre science", a-t-il ajouté, en déduisant que "certains géants pétroliers ont colporté le grand mensonge".
Dès les années 1980, la compagnie pétrolière américaine ExxonMobil disposait de prédictions sur le réchauffement climatique d'une justesse remarquable, réalisées par ses propres scientifiques et qui se sont révélées être précisément ce qui s'est produit plusieurs décennies plus tard, a confirmé une étude parue dans la prestigieuse revue Science. Or l'entreprise a pendant des années publiquement jeté le doute sur l'état des connaissances scientifiques en la matière, a également souligné cette publication.
Après la parution dans la revue Science, un porte-parole d'ExxonMobil a déclaré que "cette question" avait "fait plusieurs fois surface ces dernières années", ajoutant qu'"à chaque fois, notre réponse est la même : ceux qui évoquent ce qu'+Exxon savait+ ont faux dans leurs conclusions."
Quelque 246 milliards d’USD
Selon Antonio Guterres, "les responsables doivent être poursuivis" comme les cigarettiers l'ont été. Une référence aux 246 milliards d’USD que les géants du tabac aux États-Unis avaient accepté de payer en 1998 à 46 États sur une période de 25 ans, afin de couvrir les coûts engagés pour soigner d'anciens fumeurs.
Depuis plusieurs années déjà, le groupe ExxonMobil est accusé d'avoir eu un double discours sur le réchauffement du climat provoqué par les immenses quantités de gaz à effet de serre rejetées par l'humanité dans l'atmosphère, notamment via la combustion de charbon et de pétrole pour produire de l'énergie.
Interrogé sur le sujet par la chaîne française BFM Business à Davos, le patron du géant français des hydrocarbures TotalEnergies Patrick Pouyanné a affirmé que son groupe ne "savait rien du tout". "Moi, je n'ai pas des scientifiques du climat chez TotalEnergies", a-t-il dit.
"La première chose que j'aimerais voir maintenant serait les entreprises du secteur pétrolier et gazier rejoindre les autres groupes exerçant une activité critique, dont beaucoup travaillent ici de manière diligente pour tenter de régler la crise climatique", a déclaré l'envoyé spécial des États-Unis sur le changement climatique, John Kerry.
L'ancien vice-président américain et militant pour le climat Al Gore, également présent en Suisse, s'est montré plus direct : "Les industries du pétrole, du gaz et du charbon combattent bec et ongles toute législation en faveur du climat au niveau national, régional, local, et municipal" et utilisent "leur influence politique et leur fortune pour empêcher les progrès", a-t-il accusé.
La question de l'impact de l'industrie pétrolière sur la planète se fait d'autant plus pressante aujourd'hui que "chaque semaine amène son lot d'histoires horrifiantes", s'est inquiété le secrétaire général de l'ONU, qui parle de "flirt avec le désastre climatique". Jeudi dernier, l'Organisation météorologique mondiale a confirmé que les huit dernières années avaient été les plus chaudes jamais enregistrées.
"Il faut que le pétrole reste en terre", a lancé la militante équatorienne d'Amazonie de 20 ans, Helena Gualinga, dans un entretien. Aux côtés de la Suédoise Greta Thunberg et d'autres jeunes militants, elle est l'un des nouveaux visages de la mobilisation contre le changement climatique.
Mais ce n'est pas la direction que prend l'industrie pétrolière, se désole Antonio Guterres : "Aujourd'hui, les producteurs de combustibles fossiles et ceux qui les soutiennent continuent de se battre pour accroître la production, tout en sachant pertinemment que leur modèle économique est incompatible avec la survie de l'humanité."
Le secrétaire général de l'ONU a aussi fustigé les engagements climatiques "douteux" ou "obscurs" de nombreuses entreprises sur un objectif de zéro émission de carbone : cela "induit en erreur les consommateurs, les investisseurs et les régulateurs avec de faux récits" et ouvre la porte au "greenwashing".
"Nos engagements climatiques requièrent l'engagement complet du secteur privé" car "la bataille pour tenir l'objectif d'1,5 degré (de réchauffement climatique) sera gagnée ou perdue au cours de cette décennie", selon lui.
AFP/VNA/CVN