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En France, 8,6 millions de personnes vivaient dans un logement surpeuplé en 2013, selon le 23e rapport annuel sur le mal-logement publié mardi 30 janvier par la Fondation Abbé Pierre, qui s'appuie sur les chiffres les plus récents de l'Insee.
Pour mesurer le surpeuplement, cet institut étudie non pas le nombre de mètres carrés par occupant, mais le nombre de pièces dévolues à chacun. Le postulat est le suivant : il faut une pièce à vivre (salon), une chambre par couple et pour chaque adulte célibataire de plus de 19 ans, une pièce pour deux enfants de moins de 7 ans, quel que soit le sexe, et une autre pour de grands enfants mais de même sexe.
Nombre de personnes et de ménages vivant dans des foyers en situation de surpeuplement modéré ou accentué. |
Entre 2006 et 2013, le nombre de personnes vivant en surpeuplement "modéré" (par exemple quand il manque une chambre) a augmenté de 11,5% à 7,6 millions tandis que les surpeuplements "accentués" (quand le manque est plus important) a grimpé de 17,2% avec 797.000 personnes concernées.
Si plusieurs générations vivaient sous le même toit autrefois, "il y a eu petit à petit une démocratisation de l'espace, résultat d'une conquête des Trente Glorieuses (1945-1973, Ndlr)", a rappelé récemment le directeur de l'étude Manuel Domergue.
Or, aujourd'hui "ce phénomène de surpeuplement qui tendait à se résorber refait surface", s'inquiète-t-il. En cause : des facteurs économiques (crise financière de 2008, tension dans le secteur immobilier) ou sociétaux (hausse du nombre de familles recomposées, des familles monoparentales et du nombre de migrants).
Foyers de travailleurs migrants, chambres de bonne ou chambres d'hôtel, HLM ou logements du parc privé, locataires ou propriétaires... Le phénomène, qui touche essentiellement les plus précaires, se retrouve aussi chez les classes moyennes et les propriétaires.
"Redresser le tir"
"Mon grand frère dort souvent dans sa voiture plutôt que sur le canapé du salon, qui a des bosses qui font mal au dos", explique Maryam (prénom d'emprunt), 20 ans et étudiante en économie à la Sorbonne.
Dans leur logement dans l'est parisien, ils sont dix au total à se chercher une place dans l'une des trois chambres. Pour elle, "ce n’est pas très grave, mais c'est pour ma mère", assure Maryam avant d'éclater en sanglots. "Elle s'en veut énormément, elle se sent coupable quand elle nous voit faire nos devoirs dans les toilettes."
Manger, dormir, se laver, se reposer... tout devient compliqué pour ces familles, qui connaissent par ailleurs des difficultés de socialisation (faute d'espace pour recevoir), tensions scolaires, problèmes de santé (respiratoires, tuberculose, saturnisme) et alimentaires, selon l'enquête.
Au-delà du problème du surpeuplement, il reste près de 4 millions de personnes mal logées, plus de 12 millions d'autres "fragilisées" (locataires en situation d'impayés, par exemple) et sans doute plus de 143.000 personnes à la rue.
Pour le Délégué général de la fondation Abbé Pierre, Christophe Robert, "il faut une réorganisation majeure de la politique du logement" car en 2017, "le nombre de personnes confrontées à la crise du logement continue d'augmenter".
"Le gouvernement et le président de la République doivent redresser le tir et mener une vraie politique sociale", poursuit-il, avant de fustiger d'un côté "les suppressions de l'ISF, de la taxe d'habitation décidées par le gouvernement et de l'autre côté, la baisse de 5 euros des aides pour le logement" (APL) qui fragilise les plus pauvres.
Huit mois après la présidentielle, Christophe Robert dit d'abord avoir été "plutôt satisfait en entendant Emmanuel Macron parler de l'objectif +zéro SDF+ dans les rues" avant de s'interroger sur les moyens. "Le zéro SDF est possible", insiste Christophe Robert, "mais on ne pourra pas le faire si on fragilise simultanément les outils de la solidarité comme les APL ou le logement social".