>>Le Génie de la pluie et le crapaud
>>Les Génies du vent et de la foudre
Le crapaud voulait se plaindre à l’Empereur du Ciel que le Génie de la pluie ne faisait pas son travail. |
Nous avions laissé le crapaud, furieux de l’absence de pluie, à cause de la paresse du Génie de la pluie, devant le palais de l’Empereur du Ciel. En l’absence de celui-ci, c’est justement le Génie de la foudre puis le Génie de la pluie qui se trouvent-là pour résoudre l’affaire. Peu soucieux de laisser le crapaud porter ses doléances devant le souverain céleste, ces génies décident de l’éliminer. Leur première tentative avec le coq céleste a échoué. Aussi envoient-ils le chien céleste pour régler leur compte au batracien.
Défaites et désordres
Lorsque le chien surgit, le crapaud fit signe à l’ours. Le gros animal surgit de derrière son pilier et lui donna de ses pattes griffues une accolade que l’animal céleste n’oubliera pas de sitôt... Son travail accompli, et le chien parti en trombe, l’ours réintégra sa cachette comme le renard l’avait fait avant lui. Au même moment, ignorant cela, le Génie de la pluie se sentit satisfait.
"Je vais enfin pouvoir me reposer en paix !", se disait-il. Mais un coup d’œil par la fenêtre lui prouva à quel point il se trompait : le chien céleste revenait, l’échine hérissée et la queue entre les pattes, tandis que le crapaud se gonflait au maximum pour reprendre son concert de baguettes. "Génie de la foudre, vociféra le Génie de la pluie. Vas-y toi-même et règle son compte à cet impudent !". Le Génie de la foudre s’inclina, empoigna une lourde lance et prit la forme d’un serpent de feu pour aller jusqu’à la porte.
Sur un signe du crapaud, l’abeille vola hors de sa cachette et le piqua à l’œil. Le serpent hurla de douleur, si fort que les piliers de pierre qui soutenaient le palais céleste en tremblèrent. "Ah ! Le Génie de la foudre pousse son cri de victoire", se dit le Génie de la pluie. Mais, le malheureux avait bien autre chose à faire : il voulut rafraîchir son œil enflé dans la mare. Le crabe sauta sur l’occasion et se mit à pincer tout ce qui était à sa portée ! Alors le pauvre génie se remit à hurler au point d’en ébranler les murs. "Ce n’est qu’une victoire sur un crapaud ordinaire ! Il la fête un peu bruyamment à mon goût", songea le Génie de la pluie.
Devant la porte, le Génie de la foudre essayait de retrouver la terre ferme pour se sauver. Mais avant qu’il ait pu essuyer l’eau qui l’aveuglait, l’ours et le tigre se jetèrent sur lui. Le malheureux ne savait plus ce qui lui arrivait : où qu’il allât, où qu’il se tournât, ce n’étaient que morsures et piqûres, pincements et coups de griffes. Car le renard et l’abeille, bien entendu, n’entendaient pas demeurer en reste ! Et quand, par-dessus le marché, il entendit le crapaud crier "Bon, à présent donnez-moi mon bâton, que je lui apprenne à vivre", il détala comme une flèche vers le palais.
Le Génie de la pluie vit le Génie de la foudre revenir en courant comme un fou, à demi-aveuglé, les traits déformés par la terreur. Et derrière lui, sur le seuil du palais, le crapaud s’enflait et coassait : "Si le Génie de la pluie ne se remet pas sur le champ au travail, il va voir ce qu’il va voir".
Tout rentre dans l’ordre
Et boum, boum, boum ! Le tambour retentit à nouveau dans un vacarme assourdissant. "Que se passe-t-il donc ici ?", lança soudain la voix tonitruante de l’Empereur du Ciel. "Qui endure une injustice à ce point insupportable que la voix du tambour m’ait fait revenir de l’autre bout du monde ?", "C’est moi qui ai tambouriné", avoua courageusement le crapaud. Et il expliqua sans détours au Maître du Ciel les raisons de sa plainte. L’Empereur fronça les sourcils, mécontent, et jeta un regard sévère au Génie de la pluie. Celui-ci s’était fait tout petit ; s’il l’avait pu, il se serait volontiers changé en un minuscule lézard afin de disparaître dans la première fente venue. "Redescends tout de suite et exécute ta mission !", lui ordonna son Maître. "Et quand tu auras terminé, reviens me trouver pour subir ton châtiment !"
Le crapaud est un porte-bonheur qui veille à la porte. |
Photo : CTV/CVN |
Le Génie de la pluie s’envola donc, et la Divinité suprême put alors mesurer les dégâts causés par le crapaud et ses amis. Le chien et le coq célestes faisaient tristes mines et n’étaient vraiment pas beaux à voir... "Je dois reconnaître qu’une grande injustice s’est produite dans le Ciel et sur la Terre", déclara l’Empereur. Puis se tournant vers le crapaud : "Si le Génie de la pluie, à l’avenir, se montrait coupable d’autres négligences, ne te donne pas la peine de revenir ici. Contente-toi de coasser très fort, cela suffira. Ne t’inquiètes pas, le Génie de la pluie se souviendra aussitôt de ce qu’il a à faire".
Le crapaud le remercia et s’en retourna chez lui avec ses amis. Ce fut un vrai plaisir pour tous que de sauter dans les flaques d’eau ou de se rouler dans les mares abondantes qui naissaient après la pluie. Quant au Génie de la pluie, il fut sévèrement puni : dès qu’il eut fini d’arroser la terre, il rentra dans sa caverne où quatre démons s’emparèrent de lui. Alors le coq céleste se mit à le picorer vigoureusement de son bec pointu jusqu’à ce qu’il ne lui restât plus le moindre bout de peau en bon état.
Depuis lors, quand il fait trop sec, les crapauds n’ont qu’à coasser. Dès qu’il les entend, le Génie de la pluie en a aussitôt la chair de poule et s’empresse de se remettre au travail. Et si un jour, malgré tout, sa paresse reprenait le dessus, ce serait l’Empereur du Ciel en personne qui le rappellerait à l’ordre... car il n’a pas la moindre envie de recevoir une nouvelle visite du crapaud, ne sachant pas quels dégâts il pourrait commettre.
C’est depuis ce temps-là que les hommes vénèrent les crapauds. Et leurs coassements, loin d’être source de tracas, sont bienvenus. Le proverbe qui dit : "Quand les crapauds coassent, c’est le signe que les mares vont se remplir d’eau", en est la meilleure preuve. Et certains prétendent même qu’ils sont apparentés à l’Empereur du Ciel. D’ailleurs, le crapaud n’est-il pas nommé, Oncle du Ciel ?
Ông Ngoai/CVN