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“Gac kèo ong” a été reconnue comme patrimoine culturel immatériel national. |
Photo : VNA/CVN |
La nature a doté Cà Mau, une province de l’extrême Sud du pays, d’une vaste forêt de cajeputs, qui abrite des milliers de colonies d’abeilles. Elle est aussi le berceau d’un artisanat unique, le “Gác kèo ong” (littéralement, attirer les abeilles pour qu’elles construisent leurs ruches sur des poteaux en bois inclinés).
Un métier transmis de père en fils
Les locaux font savoir que cet artisanat, qui se transmet de génération en génération, est pratiqué dans les districts d’U Minh et de Trân Van Thoi, province de Cà Mau, depuis la seconde moitié du XIXe siècle, lorsque ces zones ont commencé à se développer.
Selon Pham Duy Khanh, un apiculteur local chevronné propriétaire d’un site d’écotourisme dans le district de Trân Van Thoi, chaque année, surtout à partir d’août - septembre, lorsque les cajeputs sont en pleine floraison et dégagent leur parfum unique, de nombreux essaims d’abeilles viennent y chercher un endroit pour s’installer durablement, généralement une branche plus ou moins verticale.
Fins connaisseurs de leurs habitudes de vie, les habitants locaux créent artificiellement des “branches inclinées” dans les cajeputs pour les attirer afin qu’elles s’y installent. Ensuite, les “chasseurs d’abeilles” n’attendent plus que le bon moment pour récolter le miel.
La “branche artificielle” est souvent un petit tronc de cajeput, d’environ 10 à 15 cm de diamètre et de deux à trois mètres de long. Une couche de cire y est appliquée pour attirer les abeilles.
Lorsqu’ils décident de l’emplacement idéal pour disposer leurs branches, les “chasseurs d’abeilles” tiennent de la direction du vent, de la lumière du soleil et des trajectoires de vol des abeilles
La “branche artificielle” doit être suspendue avec une inclinaison de 45 degrés pour garantir que la lumière du soleil les atteigne. L’emplacement est très important, la branche doit être disposée à proximité de quelques cajeputs en pleine floraison. Il faut souvent entre 20 et 30 jours aux abeilles pour y construire leur ruche.
Les “chasseurs d’abeilles” surveillent de près les travaux d’installation ou “la maison des abeilles” comme ils l’appellent, pour prédire quand les abeilles viendront construire leurs ruches et combien de temps il leur faudra pour produire suffisamment de miel pour que la récolte soit intéressante.
Le meilleur moment pour installer la branche se situe entre le lever du soleil et 09h00. Pour la récolte, le meilleur moment est entre 06h00 et 08h00.
“La quantité de miel dépend de la position de la branche. Pendant la saison sèche, certains nids d’abeilles peuvent contenir de deux à dix litres de miel, et pendant la saison des pluies, guère plus d’un litre selon la taille du nid”, partage M. Khanh.
Les “chasseurs d’abeilles” ont besoin de nombreux outils, les plus indispensables étant du bois d’allumage en fibre ou en racines de coco séchées et un filet de protection pour éviter les piqûres. Certains chasseurs expérimentés choisissent même de ne pas utiliser ce dernier. Avant de récolter le miel, on place du petit bois fumant près des nids, ce qui oblige les abeilles à s’envoler. Une fois le miel récolté, il faut laisser un morceau de nid d’abeille pour que celles-ci viennent reconstruire leurs nids.
“Il est normal que nous soyons piqués, fait savoir Trân Van Chon, un habitant local. Cependant, nous ne devons tuer aucune des abeilles qui piquent. Sinon, nous serons attaqués par tout l’essaim, ce qui est la première leçon pour tout débutant. De nombreux chasseurs considèrent la forêt comme leur maison et les abeilles comme des animaux de compagnie, nous ne les tuons donc jamais”.
Après la récolte, la meilleure façon de conserver le miel est de le verser dans des récipients en céramique ou des bouteilles en verre foncé.
Un record national
Du petit bois fumant est placé près des ruches pour faire s’envoler les abeilles. |
Photo : CTV/CVN |
Depuis de nombreuses années, la chasse aux abeilles à l’état sauvage dans le Parc national d’U Minh Ha apporte des revenus importants aux habitants. Chaque nid d’abeilles peut produire environ quatre à cinq litres de miel, qui peuvent être vendus environ 250.000 dôngs (11 USD) le litre.
Réputé pour offrir la meilleure qualité et avoir une saveur particulière, le miel d’U Minh Ha est devenu une spécialité célèbre de Cà Mau qui a gagné encore en notoriété en 2020 lorsque le métier “Gác kèo ong” des districts d’U Minh et de Trân Van Thoi a été reconnu patrimoine culturel immatériel national en 2020.
“Cette reconnaissance motive nos chasseurs d’abeilles à poursuivre leur métier et contribue au développement économique local, à la protection des forêts et à la réduction de la pauvreté”, se félicite Trân Hiêu Hùng, directeur du Service de la culture, des sports et du tourisme de Cà Mau.
Le site d’écotourisme de Muoi Ngot, qui couvre plus de 40 ha de forêt et abrite des centaines de nids d’abeilles, est une destination connue dans la région, où les visiteurs peuvent jouer aux “chasseurs d’abeilles” le temps d’une journée.
Selon son propriétaire Pham Duy Khanh, le site d’écotourisme de Muoi Ngot a été identifié comme l’une des principales attractions de la région depuis sa création en 2015. Les visiteurs peuvent passer une journée en forêt avec les chasseurs d’abeilles et découvrir chaque étape, de la pose des branches à l’appât des abeilles et la récolte du miel.
“J’avais l’habitude de regarder la scène de la collecte du miel à la télévision, mais le voyage sur le site m’a permis de le faire moi-même. Je me sentais à la fois effrayée et excitée”, confie Hô Thu Hang, une touriste de la province de Nghê An (Centre).
Récemment, la plus grande ruche d’abeilles du Vietnam a été découverte à Muoi Ngot et a établi un record national. Pesant 43 kg, environ 15 litres de miel y ont été récoltés.
Huong Linh/CVN