Le fondateur de la société de prothèses mammaires PIP, Jean-Claude Mas, le 17 janvier 2001 |
Visé en France par deux enquêtes judiciaires, pour "tromperie aggravée" et "homicides involontaires", Jean-Claude Mas, 72 ans, "ne souhaite pas s'exprimer" publiquement "par respect pour la souffrance" des femmes qui portent ces implants en silicone potentiellement défectueux, a assuré Me Yves Haddad.
Présenté par ses anciens employés comme une espèce de "professeur Nimbus" -personnage de bande dessinée devenu le prototype du savant farfelu- il ne nie pas avoir utilisé un gel de silicone non agréé par les autorités sanitaires pour fabriquer ses implants commercialisés en France, aux Pays-Bas, en Italie, au Venezuela, au Brésil ou encore en Argentine.
"Pourquoi a-t-il fait cela ? Parce que c'était moins cher. C'est peut-être honteux mais c'est comme ça", a expliqué sans détour Me Haddad.
Il affirme cependant que le produit ne présentait aucun danger pour la santé des centaines de milliers de femmes qui se sont fait poser ces prothèses. En mars 2010, l'agence française de sécurité sanitaire a ordonné leur retrait du marché. Le gel industriel frelaté qui remplaçait frauduleusement le gel médical initialement déclaré est soupçonné d'être à l'origine d'un taux anormal de ruptures de la prothèse.
L'affaire, révélée à l'automne 2010, a rebondi après l'annonce de cancers chez plusieurs femmes porteuses de prothèses PIP, dont deux sont décédées. Le lien entre les cancers et le port de ces implants n'est cependant pour l'instant pas établi.
Dernier rebondissement : un avocat français a annoncé mercredi son intention de saisir la justice contre PIP mais aussi contre les chirurgiens esthétiques de quatre de ses clientes, accusés d'un "manquement à leur devoir d'information" pour n'avoir pas exposé les avantages comparatifs des différentes marques de prothèses.
Une accusation rejetée en bloc par le syndicat national de chirurgie plastique, dont le président d'honneur Jean-Luc Roffé estime sur 20minutes.fr que "le devoir d'information, c'est parler au patient de ce que l'on sait" et que "les chirurgiens sont aussi des victimes".
Cette nouvelle procédure devrait aussi viser l'organisme allemand TUV qui a certifié un gel de silicone utilisé par la société française.
Quelque 2.000 plaintes ont déjà été déposées en France et le gouvernement vient de recommander le retrait "à titre préventif et sans caractère d'urgence" des implants PIP.
Le Venezuela a annoncé de son côté la gratuité de l'opération pour les femmes qui le souhaitent.
Le procès pour "tromperie aggravée" est prévu à l'automne 2012, tandis que l'enquête pour "homicide involontaire" ne fait que commencer.
Une ramification du scandale aux États-Unis a été exhumée ces derniers jours : la Food and drug administration - l'autorité sanitaire américaine - avait dès 2000 (FDA) fait état de "graves violations" dans le processus de fabrication d'autres prothèses PIP, remplies celles-là d'une solution saline.
À la suite d'une inspection dans l'usine de PIP, située à La Seyne Sur-Mer, dans le Sud de la France, la FDA avait relevé que les implants étaient "frelatés" et interdit leur commercialisation aux États-Unis. Au fil des années, d'autres marchés se sont aussi fermés aux produits PIP.
Me Haddad a admis cette visite de la FDA et attribué le problème alors soulevé par l'autorité américaine à "la solidité de la poche" des prothèses.
L'avocat a aussi démenti une rumeur selon laquelle M. Mas était un ancien charcutier. Titulaire d'un simple diplôme universitaire d'études scientifiques - qui sanctionne le premier niveau d'études supérieures - M. Mas a en fait travaillé d'abord une dizaine d'années comme délégué médical, c'est-à-dire représentant d'une firme de médicaments.
Dans les années 1970, il se lance dans la production de prothèses mammaires, d'abord en association avec un chirurgien esthétique, puis pour son propre compte. Poly Implants Prothèse (PIP), sa société, a été un temps le numéro trois mondial des prothèses mammaires.
AFP/VNA/CVN