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La fécondité est également un thème récurrent dans la peinture populaire dont les estampes de Dông Hô sont l’éminent représentant, avec ses nombreux poules, porcs ou poissons. |
Cet ethnographe passe en revue les manifestations du Yin et du Yang, du linga et du yoni, les fêtes printanières villageoises, le pot de chaux, l’adoration des arbres et des pierres, les sculptures en bois de scènes grivoises ornant nos maisons communales... Les arbres et les pierres représenteraient le principe femelle de la reproduction. Les femmes nues prenant le bain dans la mare de lotus (bois sculpté du XVIIe siècle) évoqueraient la procréation. Chaque fois qu’une matrone retire la baguette du trou du pot de chaux pour l’y réintroduire après sa chique de bétel, elle répéterait le geste de l’accouplement sacré !
Avec un tel raisonnement déductif, on va loin, je pourrais l’étendre au mouvement de la clé dans le trou de serrure ou du bouchon dans le col d’une bouteille de choum-choum. Même en adoptant le point de vue psychanalytique de Freud qui explique la religion par le complexe d’OEdipe, je ne pense pas qu’on puisse ramener tous les phénomènes religieux teintés d’érotisme ou non au culte de la fécondité. Ce dernier remonte à l’aube de la culture humaine. Les cavernes du paléolithique étaient déjà couvertes de dessins exaltant la maternité.
Une pratique rappelle la croyance primitive
Dans le Vietnam encore essentiellement rural, nombre de pratiques rappellent ces croyances primitives. Le bouddhisme venu de Chine et d’Inde a dû composer avec elles. Ainsi, les divinités indigènes de la pluie si importante pour la riziculture se sont transformées en déesses bouddhiques de la Pluie (Pháp Vu), des Nuages (Pháp Vân), de l’Éclair (Pháp Diên) et du Tonnerre (Pháp Lôi). Au printemps, les femmes stériles font le pèlerinage de la Pagode des Parfums ; dans les grottes, elles caressent les rochers affectant la forme des filles ou des garçons, leur disant : «Viens à la maison avec moi, Petite Demoiselle», ou «Petit Monsieur». Le vœu sera exaucé par Bouddha.
Lors de la fête de Tro Tram, aux 11e et 12e jours du 1er mois lunaire, dans le district de Lâm Thao, province de Phu Tho (Nord), se tient un rite en l’honneur du linga et de la yoni. Ce rite a lieu à minuit pour refléter l’harmonie du Yin et du Yang. |
Photo : Anh Tuân/VNA/CVN |
Plusieurs danses sacrées en vue de la fécondité se sont perdues depuis les décennies de guerre. Au village de Phu Lôc (province de Vinh Phuc), pendant la fête printanière du temple dédié au Génie de la montagne Tan Viên, les chasseurs faisaient un sacrifice avec comme offrandes cultuelles l’arc, la flèche et un couple de volaille. Un groupe de jeunes hommes au torse nu, vêtus d’un pagne, dansait avec un groupe de jeunes filles (figurant la proie) vêtues d’un cache-seins et d’une jupe. Ils simulaient la chasse. Les garçons marchaient en avant en hurlant, les filles derrière faisant écho aux hurlements. Les couples se séparaient en dansant l’air du flirt. Ils cherchaient chacun leur coin pour un accouplement sacré.
Au village de Son Dông, Hanoi, le 6e jour de la 2e lune, avait lieu une fête traditionnelle. On fabriquait comme offrandes cultuelles les pains banh dày ronds et banh chung carrés, symboles des organes génitaux. La danse sacrée se déroulait le soir dans la cour de la maison communale. Filles et garçons esquissaient des figures chorégraphiques en mimant l’accouplement : ils frappaient un morceau de bambou (image de la verge) sur une spathe d’aréquier (image du vagin). La danse terminée, ils jetaient ces objets sur le sol. Les spectateurs se ruaient sur ces derniers pour se les arracher. Ceux qui les récupéraient étaient considérés comme des veinards. Pendant les trois mois qui suivaient la fête, les garçons et les filles jouissaient d’une liberté sexuelle absolue. Les filles-mères n’étaient pas punies, les garçons qui se mariaient étaient dispensés des arrhes matrimoniales dues au village. En ce temps-là, le planning familial n’existait pas encore !