Le cricket, une "obsession" indienne vieille de trois siècles

Au coup d’envoi de la Coupe du monde de cricket le 5 octobre dans le stade de 130.000 places d’Ahmedabad, principale ville de l’État du Gujarat (Nord-Ouest) située à environ 120 km au nord de Tankari Bandar, des centaines de millions d’habitants du pays le plus peuplé au monde seront devant leurs télévisions pour suivre la retransmission des rencontres.

>> Mousson en Inde : 25 personnes retrouvées noyées, le bilan s'alourdit à 119 morts

>> Inde: les inondations font 115 morts en trois jours dans l'Ouest du pays

>> Les drapeaux afghan et taliban réunis le temps d'un match de cricket à Kaboul

On raconte que la première partie de cricket jamais documentée en Inde se serait déroulée sur les vastes plaines inondables de Tankari Bandar. 
Photo : AFP/VNA/CVN

Sur le milliard de supporters que compte ce sport dans le monde, plus de 90% vivent sur le sous-continent indien, selon une étude réalisée en 2018 par l’International Cricket Council (ICC).

Et à Tankari Bandar, au bord de l’estuaire de la rivière Vishwamitri, on a le cricket dans le sang. La vie sera d’évidence rythmée par la Coupe du monde jusqu’à sa finale, le 19 novembre.

"Nous jouons au cricket chaque jour, dit Kaushik Ashok, âgé de 20 ans, portant le maillot de l’équipe du village au bord du terrain détrempé où courent des enfants. Nous travaillons, nous pêchons, puis nous jouons au cricket".

On raconte ici que la première partie de cricket jamais documentée en Inde se serait déroulée sur ces vastes plaines inondables, bordées de marais salants.

"Taillés en pièces"

"Quand j’étais enfant, mon père et mon grand-père m’ont raconté qu’en 1721, les Britanniques jouaient au cricket près de la rivière, se souvient Ranjit Sinh, 56 ans, chef du village de Tankari Bandar. Je suis fier que la première partie de cricket ait eu lieu dans mon village".

Le marin anglais Clement Downing, dans un récit intitulé Histoire des guerres indiennes paru en 1737, raconte avoir séjourné deux semaines en 1721 avec son équipage, des mercenaires et des soldats étrangers, sur ce rivage après que leurs deux navires furent ensablés à marée basse.

Ils ont installé un campement, sous des manguiers et des tamarins, non sans crainte, car le dernier Britannique à avoir visité les environs avant eux avait eu maille à partir avec des autochtones et "fut taillé en pièces, avec ses hommes", rapporte Clement Downing.

Jeunes jouant au cricket à Tankari Bandar, dans l'État du Gujarat, en Inde. 
Photo : AFP/VNA/CVN

L’Anglais se souvient de villageois un peu menaçants au premier abord, qui "faisaient tournoyer leurs épées comme pour couper des têtes". Mais il n’y eut aucune effusion de sang. Aussi, "chaque jour, nous nous divertissions en jouant au cricket, notamment", poursuit-il.

Ces étrangers semblaient dissiper les tensions en frappant les balles de leur batte. "À plusieurs reprises, quatre ou cinq chefs sont venus de la ville à cheval sous bonne escorte", munis de lances en bambou et d’épées, écrit Downing. Mais “ils venaient en spectateurs”.

"Un jeu qui rassemble"

"Les marins s’attendaient à une attaque mais les gens n’avaient de cesse d’aller les observer", explique John Drew, un universitaire britannique qui dit avoir localisé l’emplacement précis de ce récit, à l’aide des journaux de bord des navires et de cartes historiques.

Cet historien de 84 ans, qui joue lui-même encore au cricket dans une équipe du campus universitaire de Cambridge, estime qu’il y a de "très bonnes chances" pour que des Indiens aient aussi pris part au jeu.

Certains en Inde se plaisent à propager l’histoire méconnue de ce match pacifique, comme P.S. Chari, directeur de théâtre. "En Inde, il existe différentes sectes, communautés et langues, mais c’est un jeu qui rassemble tout le monde", estime l’homme de 60 ans qui a monté une pièce sur ce match à Baroda, ville voisine de Tankari Bandar.

Pour Sandhya Gajjar, critique d’art et membre de l’Association de cricket de Baroda, "le cricket fait tellement partie de l’Inde qu’il est devenu une obsession nationale".

À l’époque, on jouait au cricket avec des balles et des battes de fortune, le sport anglais né au XVIe siècle n’était "pas encore sophistiqué", rappelle M. Chari.

"Le cricket est devenu populaire parce qu’il ressemblait à des jeux" locaux, dit-il, vantant le "talent d’adaptation" des Indiens. "Ils se sont appropriés le cricket".

Leur équipe nationale, comptant parmi les favoris de la compétition, a entamé sa Coupe du monde contre l’Australie le 8 octobre.

AFP/VNA/CVN

Rédactrice en chef : Nguyễn Hồng Nga

Adresse : 79, rue Ly Thuong Kiêt, Hanoï, Vietnam.

Permis de publication : 25/GP-BTTTT

Tél : (+84) 24 38 25 20 96

E-mail : courrier@vnanet.vn, courrier.cvn@gmail.com

back to top