À 59 ans, l'entraîneur Lê Công dirige l'équipe nationale de karaté depuis 17 ans. Il a accompagné ses sportifs dans les plus grandes compétitions internationales, notamment les championnats du monde, les Jeux sportifs d'Asie et du Sud-Est asiatique. Sous sa direction, l'équipe nationale a remporté de nombreuses médailles d'or sur différents tatamis, contribuant considérablement au succès du sport national.
Lê Công est connu comme le sélectionneur national de karaté ayant le mieux réussi aux Jeux sportifs d'Asie (ASIAD). Depuis 2002, les élèves de ce maître ont remporté quatre médailles d'or à ces compétitions continentales, considérées comme difficiles. Précisément, en 2002, aux 14es ASIAD, pour sa première année à la tête de l'équipe nationale, Vu Thi Nguyêt Anh et Nguyên Trong Bao Ngoc ont remporté deux médailles d'or. Quatre ans plus tard, aux 15es ASIAD, au Qatar, Vu Thi Nguyêt Anh a encore décroché l'or. Et en novembre dernier, lors des 16es ASIAD, en Chine, la jeune Lê Bich Phuong a battu la championne du monde en titre, la Japonaise Kobayashi Miki, glanant l'unique médaille d'or de la délégation nationale à cette compétition. C'est Lê Công qui a découvert le talent de la nouvelle championne d'Asie et décidé de l'inscrire sur la liste des participants aux 16es ASIAD. De même, c'est ce maître qui a imaginé la meilleure tactique pour que sa protégée puisse battre la Japonaise en finale.
Apprendre et apprendre sans relâche
Lê Công se passionne pour les arts martiaux vietnamiens et chinois depuis sa tendre enfance. En 1972, sur le front de Quang Tri (Centre), le soldat Lê Công tombe par hasard sur le livre Linh hôn không thu dao, un guide du maître de karaté Ha Quôc Huy, membre de l'école Suzucho Karatedo Ryu. En feuilletant l'ouvrage, le jeune soldat est subjugué. Le début d'une longue passion pour cet art martial originaire du Japon, dont il apprécie particulièrement la fermeté, la vaillance des techniques et aussi leur scientificité. Pour saisir tous les secrets du karaté traditionnel, Lê Công a côtoyé de grands maîtres. Ce membre de l'Association japonaise de karaté est allé de nombreuses fois à Okinawa, le berceau du karaté.
"L'important, c'est d'apprendre et d'apprendre continuellement", déclare l'entraîneur. Et de préciser : "Apprendre des maîtres, des livres, dans la réalité des compétitions aussi. Le maître peut apprendre aussi de ses élèves. Et quand l'élève progresse, le maître doit en prendre conscience pour faire évoluer son programme d'entraînement".
Pendant ses temps libres, l'entraîneur concentre son esprit sur l'étude et la traduction des documents d'art martiaux étrangers. Lê Công maîtrise l'anglais qu'il a commencé à apprendre il y a près de 20 ans. En 1992, lors du tournoi de jeunes karatékas d'Asie, organisé en Malaisie, Lê Công a été confronté à des difficultés de communication avec les organisateurs et le comité des arbitres. C'est alors qu'il a pris la décision de se plonger dans la langue de Shakespeare. Aujourd'hui, l'entraîneur vietnamien peut discuter aisément avec les responsables des Fédérations asiatique et internationale de karaté, les entraîneurs japonais et européens...
L'entraîneur Lê Công est exigeant avec les autres mais surtout avec lui-même. "Le maître se doit d'être un exemple. S'il n'est pas vertueux et généreux, il ne peut avoir de bons élèves et ne bénéficie pas de leur respect", confie-t-il. Concrètement, Lê Công s'occupe non seulement de l'entraînement, mais encore de divers aspects de la vie de ses petits protégés. "Je veux que les bons usages entrent peu à peu dans leurs habitudes de vie". Il fait grand cas de la solidarité au sein de son équipe et reste souvent auprès de ses élèves tard le soir.
Des champs de bataille aux tatamis
Avant d'être entraîneur, Lê Công a été soldat. Fin 1970, âgé de 18 ans, il s'engage dans l'armée tandis que la deuxième guerre d'Indochine se trouve dans sa phase la plus meurtrière. Deux mois après, le jeune soldat se retrouve sur les champs de bataille de Quand Tri (Centre). Se souvenant de cette période, le colonel Lê Công confie : "Il m'est impossible de raconter les souvenirs de ces journées. La joie, c'était chaque fois que nous descendions des avions ennemis. Notre division reconnue +unité héroïque+ a détruit beaucoup d'avions américains. Mais il y avait aussi la douleur incommensurable. Je n'ai jamais oublié cet après-midi où 16 frères d'armes ont été tués et une dizaine blessés. J'ai toujours à l'esprit le visage de chaque camarade parti ce jour-là. Avant le combat, ils rigolaient avec moi, mais après, il ne restait plus d'eux que des tombes le long du chemin". Le militaire retourne chaque année dans ces anciens champs de bataille pour visiter les tombes de ses frères d'armes et se remémorer ce passé héroïque et glorieux. Une chose intéressante chez Lê Công, tous ses papiers comme carte d'identité, permis de conduire, carte d'inscription aux compétitions sportives ou encore carte d'entrée au Centre national d'entraînement sportif de Nhôn (Hanoi)... comportent sa photo en uniforme d'officier. "Pour que tout le monde sache que je suis un militaire", explique-t-il, simplement.
Après la guerre, en 1975, Lê Công a continué de servir l'armée. Il a poursuivi ses études de karaté et est devenu, en 1986, entraîneur de l'équipe de l'armée. Aujourd'hui, à l'âge de la retraite, il reste fidèle à sa noble tâche d'entraîner les sportifs militaires. "L'armée a confiance en moi, me demande mes services. Je m'engage à continuer d'apporter mes contributions pour témoigner de ma reconnaissance envers l'armée qui m'a pris sous ses ailes alors que j'étais à peine sorti de l'adolescence", confie le vieux militaire. Lê Công est toujours fidèle à ces deux grandes qualités morales du militaire que sont la droiture et la loyauté. Il exprime cela aussi bien dans sa vie personnelle que dans sa manière d'entraîner ses sportifs. Il leur apprend les katas et leur transmet l'état d'esprit du "militaire sur le front sportif". "Chaque fois qu'un combattant monte sur le tatami, c'est comme un soldat qui part au front. Chaque victoire, c'est aussi celle de la Patrie", déclare le vieil entraîneur, qui s’est jamais autant ému lorsqu’on l'appelle "samouraï".
Thuân Thiên/CVN