>>L’ours continue à faire peur en Europe de l’Ouest
Des ours soignés au Centre de sauvetage de Tam Dao, province de Vinh Phuc (Nord). |
Implanté dans la vallée de Chat Dâu, au sein du Parc national de Tam Dao, province de Vinh Phuc (Nord), le Centre de sauvetage des ours du Vietnam est le plus moderne d’Asie. Construit en 2005 avec le concours (3,3 millions de dollars) d’Animals Asia Foundation (AAF), il a pour l’objectif de sauver des ours victimes du trafic, de la bile notamment.
Les pensionnaires, maintenant au nombre de 106, y vivent dans de vastes enclos. «Ces ours ont tous un passé terrible», selon le Docteur Tuân Bedixsen, Viêt kiêu d’Australie et directeur de l’AAF au Vietnam. L’AAF est une organisation basée à Hong Kong qui œuvre à l’éradication la cruauté envers les aninaux en Asie.
Victimes du braconnage
Montrant du doigt deux ours s’ébattant sur un terrain gazonné, Tuân raconte : «Ce sont Brady et Lintron. Des garde-frontières les ont trouvés complètement paniqués en 2011 à la frontière avec le Laos. Leur mère venait d’être abattue par des braconniers». Informé, un groupe de secours du centre s’est rendu sur place, au poste frontalier de Sa Thây, province de Kon Tum (hauts plateaux du Centre). Les oursons ont été amenés en voiture à l’aéroport de Huê (Centre), puis acheminé à Hanoi par avion.
«Le trajet de Sa Thây à Huê a duré 16 heures. Toute une nuit sans dormir. Nous leur avons donné du lait toutes les deux heures», explique Tuân Bedixsen. Les premiers temps, comme les autres nouveaux venus, les deux oursons ont bénéficié de soins particuliers et d’un régime alimentaire nourrissant. «Très turbulents, Brady et Lintron grandissent à vue d’œil et s’habituent bien à la vie ici», ajoute-t-il.
Torturés pour la bile
Mais la plupart des pensionnaires ont été arrachés au trafiquant de bile. C’est le cas de Zebedee, sauvé en 2009 à Huê. «Nous sommes entrés dans une cuisine où se trouvaient des cages minuscules. Un lieu si sombre que nous ne pouvions pas voir Zebedee qui était enfermé là depuis 14 ans. Aveugle et édenté, il souffrait d’une inflammation de la vésicule biliaire», se souvient Tuân. Et de poursuivre : «Victime d’une maltraitance prolongée, Zebedee était très agressif au début, prêt à attaquer n’importe qui l’approchait». Et puis, jour après jour, l’affection et les soins patients des agents ont réussi à l’adoucir. Un an après, Zebedee pèse 150 kg, contre 30 kg à son arrivée.
Quant à Vandrew, il a été sauvé en 2010 d’une ferme à Quang Ninh (Nord). Lui aussi était en piteux état : blessures un peu partout, patte amputée, œil droit aveugle… Au Centre de sauvetage, les ours bénéficient d’enclos confortables agrémentés de jeux et de bassins. Ils ont droit à un régime alimentaire spécial composé de fruits et légumes. Sans oublier un hôpital pour des soins médicaux périodiques. «Nous soignons les ours comme les hommes. Vraiment, ils sont comme des enfants qui recherchent une affection», raconte Hoàng Thi Quyên, vétérinaire. Travaillant ici depuis trois ans, elle comprend le caractère de chacun d’eux.
Le centre couvre actuellement 12 ha et peut abriter 200 pensionnaires. «Nous avons l’ambition de l’élargir dans l’avenir, afin de pouvoir accueillir davantage de bêtes en péril», révèle Tuân. Avec fierté, il informe que des naissances d’oursons ont eu lieu ces derniers temps.
Le but ultime du centre est de rendre ces animaux à la nature. «C’est une tâche difficile que nous ne pourrons pas réaliser dans un proche avenir. Car, le braconnage reste omniprésent au Vietnam, et ce même au cœur des espaces protégés», affirme Jill Robinson, fondatrice et directrice générale de l’AAF.
Il y a quelques mois, la vallée où se trouve le centre a été décrétée «zone défense d’importance nationale». Après des mois d’incertitudes, le Premier ministre Nguyên Tân Dung a finalement décrété que le Centre de sauvetage des ours pourrait être maintenu sur place et que la seconde phase de construction pourrait continuer. Cette décision permet donc de maintenir les 106 ours et les 77 personnes qui travaillent sur place pourront garder leur emploi.
Bile d’ours : la barbarie au service de croyances
Selon Animals Asia Foundation, la bile prélevée serait fréquemment pleine de pus, de bactéries, de toxines et 95% des bêtes finiraient par mourir d’un cancer du foie lié à une affection de la vésicule biliaire. Les méthodes inhumaines d’extraction de la bile causent beaucoup de douleur et de traumatisme aux ours, qui sont gardés dans des cages exigües et maltraités dans les exploitations ursicoles illégales.Texte et photos : Bùi Phuong - Nghia Dan/CVN