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Laurence Fisher (gauche) est triple championne du monde de karaté. |
Photo : Icon sport/CVN |
Pourquoi avez-vous choisi le karaté ? Quel a été votre cursus pour devenir sportive professionnelle ?
Au départ, je ne voulais pas faire de karaté. J’ai bien essayé ce sport dès l’âge de 6 ans mais cela ne m’a pas plu et je l’ai délaissé.
Ensuite, à 12 ans, encouragée par mes parents, tous deux sportifs, et surtout par mon père, lui-même karatéka, j’ai repris ce sport à contrecœur. J’étais à ce moment-là plutôt introvertie, je n’allais pas forcément vers les autres et avais encore moins envie de "donner des coups".
Je n’y ai pris plaisir que quelques années plus tard, puis cela est devenu une véritable passion. J’ai choisi d’arrêter mes études pour me consacrer pleinement au karaté. J’ai été ensuite onze fois championne de France, sept fois championne d’Europe et triple championne du monde.
En 2003, alors âgée de 28 ans, j’ai intégré l’École supérieure des sciences économiques et commerciales (ESSEC) pour en ressortir diplômée trois ans plus tard avec la ferme volonté de m’engager dans une vie autour des valeurs du sport.
En 2017, j’ai fondé Fight for Dignity qui accompagne les femmes victimes de violences en situation de post trauma dans leur reconstruction grâce à une pratique accessible et adaptée du karaté.
Puis, en 2019, j’ai été choisie comme ambassadrice pour le sport au sein du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères afin de promouvoir le savoir-faire français en la matière.
D’après vous, quelles sont les qualités d’une sportive de haut niveau et d’une grande karatéka en particulier ?
Laurence Fischer, l’ambassadrice pour le sport, du ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères. |
Photo : NVCC/CVN |
Le sport est un état d’esprit. Le karaté requiert tout particulièrement de la rigueur et de la discipline. C’est un cycle vertueux puisque la pratique même de ce sport permet de développer de nombreuses qualités, à savoir : l’engagement, le dépassement de soi et la faculté de se fixer des objectifs. Ce sont des qualités qui s’acquièrent avec le temps dans la pratique régulière et l’on peut observer cette même détermination chez tous les sportifs.
Dans ma pratique du karaté, je me montrais calme, déterminée, agressive et respectueuse de mon partenaire et des règles. Chaque combat, chaque rencontre avec une nouvelle partenaire a été l’occasion pour moi de progresser, de faire un travail d’introspection et d’analyse, un véritable accélérateur de conscience. Cette distance et maîtrise de soi sont justement ce qui permet un respect de l’autre et transforment ce moment en rencontre, une rencontre avec l’adversaire.
Dans la pratique du sport existent-elles des inégalités entre les hommes et les femmes ? Quel est le plus grand défi pour ces dernières ?
En 2005, à l’occasion de missions humanitaires auxquelles j’ai pris part notamment aux côtés de Play International (une ONG fondée en 1999 qui intervient auprès des enfants par l’éducation sportive), j’ai constaté de mes yeux que l’accès au sport n’est pas égal dans tous les pays, d’autant plus quand on est une fille ou une jeune femme. Dans ma carrière de sportive de haut niveau, j’ai moi-même maintes fois constaté et subi des injustices et inégalités.
Forts de ces constats, nous avons eu l’honneur d’accueillir le Forum Génération Égalité (FGE) en juillet 2021, où le sport fut historiquement présenté avec le lancement de l’Appel de Paris. Nous faisons face à un continuum. C’est de manière méthodique et construite que nous pouvons avancer ensemble avec différents acteurs pour s’unir autour des six grandes thématiques portées par cet Appel.
Comment pourrait-on promouvoir la participation des femmes dans le monde du sport ?
Je pense qu’il serait intéressant de remodeler le domaine du sport en permettant aux femmes l’accessibilité à des postes à responsabilités (dans les fédérations sportives notamment).
Si, à l’origine, le sport a été conçu par les hommes (et) pour les hommes, les femmes doivent à présent prendre davantage leur place pour faire évoluer le milieu de l’intérieur. Il en va de même de l’implication de l’ensemble des acteurs du sport, des politiques publiques, des entreprises, en passant par les ONG, de faire avancer les choses en rendant les femmes davantage visibles.
La médiatisation des sportives est très importante. Il faut davantage de rôles modèles, des championnes auxquelles les jeunes femmes puissent s’identifier et ainsi valoriser les pratiques sportives au féminin.
Avez-vous des conseils à donner aux jeunes femmes qui souhaitent devenir sportives de haut niveau ?
Je pense qu’il faut garder en tête que le succès n’est pas une finalité en soi, c’est le chemin et la façon dont on s’y prend qui sont fondamentaux. Je trouve que les femmes doivent s’approprier le sport d’abord comme un formidable outil pour se connaître soi-même, se réapproprier son corps. Si vous aimez pratiquer, alors avec travail, rigueur et abnégation, en vous faisant confiance et faisant preuve d’audace, vous irez au bout de vos envies.