L'atelier Junod où la tradition de l'art mécanique suisse embrasse le futur

Dans son atelier posé dans un écrin de neige, les chefs-d’œuvre mécaniques de François Junod prennent vie. Les oiseaux sifflent et des personnages historiques écrivent de la poésie. L'art ancien du maître suisse vient d'entrer au patrimoine culturel de l'Humanité.

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Le maître suisse François Junod dans son atelier.
Photo : AFP/VNA/CVN

Le savoir-faire qui a donné naissance aux montres et automates parmi les plus admirés au monde se transmet de génération en génération depuis des siècles dans ces montagnes du Jura, à la frontière franco-suisse.

Et désormais ce mariage intime entre la science, la technologie et l’art est distingué par les Nations unies. "Si les mécanismes sont généralement cachés, ils peuvent également être visibles, et cela contribue à la dimension poétique et émotionnelle de ces objets", souligne l’UNESCO qui a inscrit en décembre 2020 cet artisanat sur sa liste du patrimoine culturel immatériel de l’Humanité.

François Junod travaille à un androïde mécanique à l’effigie de Léonard de Vinci, lui-même inventeur et ingénieur de génie. Il a des paupières et ses yeux brillants suivent du regard sa main qui écrit de gauche à droite.

"C’est proche de la magie", lance le maître en donnant vie à la tête du père de la Joconde.

"Il y a un élan, un regain d’intérêt à travers ces objets-là parce qu’on est dans une période, une époque où on vit dans le tout électronique et de revoir des objets mécaniques, il y a tout un mystère qui réapparait, toute une magie qui revient, qui avait un peu disparu avant, explique François Junod. Je pense que c’est ça qui redonne de l’intérêt et qui fait revivre ce métier qui avait un peu disparu quand même".

Murmure de rouages

L’atelier se trouve à Sainte-Croix dans l’Ouest de la Suisse, à seulement 5 km de la frontière française. La région est intimement liée à l’horlogerie et aux arts mécaniques, depuis la persécution des protestants en France après la révocation de l’édit de Nantes. Les réfugiés ont apporté avec eux leur savoir-faire, leur culture et leur amour du travail bien fait.

La tranquillité des montagnes, "ça va très bien avec le métier", fait remarquer le maître. À 61 ans, il porte le flambeau d’une famille qui depuis quatre générations pratique la mécanique de précision dans ce village de 4.400 âmes.

L’art que François Junod et son équipe pratiquent demande patience, ingéniosité et curiosité.
Photo : francoisjunod.com/CVN

Dans son atelier, les roues dentées et les pistons le disputent aux papillons mécaniques, à un cheval au petit galop, des boîtes à musique du XIXe siècle et des oiseaux géants aux couleurs chamarrées. Ajoutant à l’atmosphère baroque, parmi une foule d’outils, trône un squelette coiffé d’un chapeau à plume qui sert à modéliser les mouvements, des bras et des jambes qui pendent du plafond au-dessus d’étagères chargées de têtes miniatures sous le regard d’un œil géant dont l’iris fait de la musique en tournant.

Patience et temps

François Junod et son équipe travaillent sur cinq à six pièces à la fois. L’art qu’ils pratiquent demande patience, ingéniosité et curiosité. Il a fallu cinq ans pour réaliser l’automate incarnant le poète russe Alexandre Pouchkine, capable d’écrire 1.458 poèmes... à l’encre. Le tapis volant a demandé deux ans d’efforts.

"Il faut aimer la difficulté. Il faut de la patience. Il faut être passionné", énumère le maître des lieux, ajoutant ce sont "vraiment de véritables objets d’art avec une complexité en tout point identique à l’horlogerie".

Au sein d’un même atelier chacun va réaliser un automate avec son propre style, souligne François Junod. "C’est ça qui lui donne une âme. Il a vraiment une âme ! Il n’y a jamais deux automates identiques". "C’est ça qui fait le charme du métier", dit-il.

Le charme intemporel de cet art séduit jusqu’à la génération smartphone. François Junod raconte comment sa fée Ondine, assise sur un nénuphar les ailes battantes alors qu’elle se réveille pour contempler un papillon s’échappant d’une fleur en train d’éclore a fasciné le public à Pékin, Londres, Paris ou Genève.

À chaque fois, des jeunes gens s’agglutinaient autour d’elle et la filmaient avec leur iPhone, "parce que ça bouge. C’est magique. C’est poétique. C’est la magie, le spectacle des automates", raconte-t-il.

Et s’il est l’héritier d’une tradition séculaire, il ne boude pas les nouvelles technologies. Bien au contraire. Il a embrassé l’impression 3D qui a ouvert de nouvelles possibilités permettant de dépasser les limitations des outils traditionnels.

"L’imagination peut aller plus loin. On a plus de possibilités" se réjouit le maître. "Presque tout est possible".


AFP/VNA/CVN

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