L'assassinat de son président plonge Haïti dans l'inconnu

Le président haïtien Jovenel Moïse a été assassiné par un commando armé mercredi 7 juillet en pleine nuit à son domicile, le Premier ministre par intérim décrétant dans la foulée l'état de siège dans le pays des Caraïbes encore davantage plongé dans la crise.

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Le président haïtien Jovenel Moïse, à Port-au-Prince, le 22 octobre 2019.
Photo : AFP/VNA/CVN

"Nous avons décidé de déclarer l'état de siège dans tout le pays", a déclaré Claude Joseph dans un discours en créole, octroyant ainsi des pouvoirs renforcés à l'exécutif pour 15 jours.

Il a promis que "les auteurs, les assassins de Jovenel Moïse paieraient pour ce qu'ils ont fait devant la justice".

M. Joseph avait annoncé plus tôt mercredi 7 juillet l'attaque ayant causé la mort du président.

"Le président a été assassiné chez lui par des étrangers qui parlaient l'anglais et l'espagnol. Ils ont attaqué la résidence du président de la République", a-t-il affirmé.

Selon l'ambassadeur haïtien aux États-Unis, Bocchit Edmond, le commando était composé de mercenaires "professionnels" s'étant fait passer pour des responsables de l'agence américaine antidrogue. Ils pourraient selon lui avoir déjà quitté le pays.

L'épouse du président, Martine Moïse, blessée dans l'attentat qui a eu lieu vers 01h00 locale (05h00 GMT) a été évacuée par avion vers Miami mercredi 7 juillet et prise en charge à l'hôpital Jackson Memorial, ont rapporté plusieurs médias américains.

Cet événement menace de déstabiliser le pays le plus pauvre des Amériques, déjà confronté à une double crise politique et sécuritaire.

Le département d'État américain a appelé au maintien des élections législatives et présidentielle en Haïti prévues pour le 26 septembre, avec un second tour le 21 novembre.

Un scrutin libre "favoriserait le transfert pacifique du pouvoir à un président nouvellement élu", a notamment souligné le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price.

Port-au-Prince paralysé 

Le Premier ministre haïtien a de son côté appelé la population au calme et fait savoir que la police et l'armée allaient assurer le maintien de l'ordre.

Après l'annonce de l'assassinat toutes les activités, les commerces et les transports en commun ont été paralysés à Port-au-Prince et dans les villes de province, selon des témoins.

Les rues de la capitale étaient calmes mercredi 7 juillet, sans présence renforcée de la police ou des forces de sécurité.

Le président américain Joe Biden a condamné cet "acte odieux", disant les États-Unis prêts à apporter leur aide au pays en crise.

L'Union européenne s'est inquiétée d'une "spirale de violence" par la voix de son chef de la diplomatie Josep Borrell et Paris a dénoncé un "lâche assassinat".

Le Conseil de sécurité de l'ONU, qui se réunira en urgence jeudi 8 juillet, s'est dit "profondément choqué" par cet assassinat.

En réaction, la République dominicaine a ordonné mercredi 7 juillet la "fermeture immédiate" de sa frontière avec Haïti, les deux pays partageant la même île.

Venu du monde des affaires, Jovenel Moïse, 53 ans, avait été élu président en 2016 sur une promesse de développement de l'économie du pays et avait pris ses fonctions le 7 février 2017.

Actif dans plusieurs domaines économiques, dont l'exploitation de bananeraies, il n'avait alors quasiment aucune expérience en politique au moment de son élection et était très peu connu de ses compatriotes.

Violence des gangs 

Des agents de la police haïtienne devant le Palais présidentiel à Port-au-Prince, le 7 juillet.
Photo : AFP/VNA/CVN

Haïti est gangrené par l'insécurité et notamment les enlèvements contre rançon menés par des gangs jouissant d'une quasi impunité. Une situation qui valait à Jovenel Moïse, accusé d'inaction face à la crise, d'être confronté à une vive défiance d'une bonne partie de la société civile.

Gouvernant par décret depuis janvier 2020, sans Parlement et alors que la durée de son mandat faisait l'objet de contestations, Jovenel Moïse avait mis en chantier une réforme institutionnelle.

Un référendum constitutionnel initialement prévu en avril, reporté une première fois au 27 juin puis à nouveau en raison de l'épidémie de COVID-19, devait se tenir le 26 septembre. La réforme avait pour but de renforcer les prérogatives de l'exécutif.

Mais c'est dans les rues de Port-au-Prince que la détérioration de la situation du pays est la plus évidente.

Depuis début juin, des affrontements entre bandes rivales dans l'Ouest de Port-au-Prince paralysent toute circulation entre la moitié sud du pays et la capitale haïtienne.

Des milliers d'habitants du quartier très pauvre de Martissant, disputé par les gangs, ont été contraints de fuir leur logement et ont dû être accueillis par des proches ou dans des gymnases.

Le 30 juin, 15 personnes avaient été tuées dans une fusillade en plein Port-au-Prince, dont un journaliste, Diego Charles, et une militante politique d'opposition, Antoinette Duclair.

Et, en avril, l'enlèvement et la séquestration de plusieurs religieux catholiques, dont deux Français, avaient choqué jusqu'au-delà des frontières du pays.

Sur le terrain politique, Jovenel Moïse aura nommé pas moins de sept Premiers ministres au cours de son mandat. Le dernier en date, Ariel Henry, n'aura pas pu entrer en fonction.


AFP/VNA/CVN

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