>>Cân Tho : Binh Thuy et son pêché mignon
L’ancienne maison de Binh Thuy à Cân Tho (delta du Mékong) est entourée de fleurs bien soignées. |
C’est une journée spéciale qui attend Anne-Sophie et Jean Étienne. Ce couple, originaire de Lyon (France), décide d’aller visiter l’ancienne maison de Binh Thuy. "Nous savions que ce lieu était réputé pour son architecture aux influences à la fois orientales et occidentales, tout en conservant les caractéristiques du bâti méridional", partage Anne-Sophie.
Après avoir parcouru à vélo 7 km à partir du centre-ville de Cân Tho, il arrive à Binh Thuy : "Nous voulons tout savoir : les étapes de construction mais aussi l’histoire de ce monument", révèle Jean Étienne.
Les Lyonnais sont accueillis chaleureusement par Hông Trà, une guide touristique locale. Elle retrace toute l’histoire de ce lieu emblématique. Cette maison antique fut construite par la famille des Duong à la fin du XIXe siècle et rénovée au début du XXe siècle. Son propriétaire, Duong Chân Ky, fut un riche homme d’affaires et propriétaire foncier développant une passion pour l’art. Un goût pour les belles choses qu’il nourrit à travers la mode occidentale très en vogue à cette période-là. Une influence visible dans la fusion harmonieuse des deux cultures autant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la bâtisse. Cette maison est également connue sous un autre nom : "le jardin des orchidées" en hommage au 5e descendant, Duong Van Ngôn, passionné par les fleurs et plus particulièrement les orchidées.
Architecture originale
Binh Thuy est implantée sur un terrain de 6.000 m². Elle bénéficie de la route et de la rivière offrant un accès facile aux visiteurs. Elle est entourée d’arbres fruitiers et de fleurs bien soignées, formant une atmosphère fraîche et élégante.
Le lieu dispose d’une seconde entrée adjacente, bâtie à l’orientale avec quatre colonnes rondes et un système de chevrons, de lattis et de pannes en bois. Son toit est couvert de tuiles convexes et entouré de faïences vertes à sa base. Sur sa façade est fixé un tableau "Phuoc An Hiêu".
Un coin de la cour dans l'enceinte de la maison ancienne de Binh Thuy. |
La large cour est tapissée de carreaux d’argile cuite et ornée d’arbres de plaisance : aréquiers, conifères, frangipaniers, ainsi que de précieuses plantes médicinales. Plus surprenant, un cactus mexicain planté en 1960 et d’une dizaine de mètres de haut étonne les touristes. Au milieu se distingue une montagne miniature haute de 4 m servant à la fois de décoration et de paravent au corps de logis. Sur son flanc, quatre escaliers y mènent dont deux sur la partie avant et deux autres fermés par des portes persiennes dans un style Art nouveau à la mode au début du XXe siècle. Une décoration caractéristique avec sa voûte en arc de cercle et ses colonnes rectangulaires en stuc ornées de motifs.
Union entre l’Orient et l’Occident
La bâtisse se divise en trois parties. La partie avant est constituée de cinq travées et le lieu de réception est décoré à l’européenne permettant d’accueillir les hôtes pendant les cérémonies.
Le couple français se complaît à admirer les traits architecturaux européens. "C’est extraordinaire ! Le sol est carrelé de carreaux importés de France, le plafond orné de motifs avec des somptueux lustres, les fauteuils et les tables fabriqués dans le style Louis XV", partage Jean Étienne.
On y trouve aussi un lavabo émaillé avec des fleurs bleues sur une estrade de bois et un gramophone d’une rareté exceptionnelle et de grande valeur. Sur la place d’honneur du corps du logis est suspendu le portrait de Duong Chân Ky, le propriétaire de la maison actuelle.
L'ancienne maison de Binh Thuy attire de plus en plus de visiteurs. |
La partie du milieu est aussi composée de cinq travées dont les trois à l’intérieur sont réservées au culte avec ses autels et ses tablettes incrustées de nacre. La décoration est entièrement vietnamienne. Les travées extérieures sont séparées de celles du culte par deux rangs d’armoires faisant office à la fois de décoration et de séparation.
La partie arrière est utilisée pour recevoir les hôtes féminins, située derrière un panneau fait de casiers, de pièces de bois, de peintures en porcelaine dont les détails ne diffèrent pas de ceux de la partie antérieure.
"Je suis vraiment impressionnée par l’architecture de cette maison. Le salon est décoré à l’européenne mais l’endroit le plus impressionnant est la travée du lieu de culte typiquement vietnamienne. Cela montre que l’harmonie entre les cultures orientale et occidentale et le choix de cet esthétisme par son propriétaire sont subtils : la nouveauté s’accorde avec l’âme de la population et la culture de la région", confie Anne-Sophie. Pour son mari Jean Étienne, "l’union orientale-occidentale est exécutée avec subtilité, faisant du site un lieu singulier, élégant et simple qui se distingue dans le paysage".
Les ravages du temps ont détruit de nombreux bâtiments environnants, mais la maison du culte a eu la chance d’être épargnée, protégée et gardée au fil des générations. "Pendant de longues années, celle-ci est devenue un haut lieu", révèle la guide locale Hông Trà.
Elle ajoute que "chercheurs, administrateurs culturels et touristiques, artistes et spécialement producteurs de longs-métrages l’ont choisie pour des oeuvres telles que +Le bambou aux cent tronçons+, +Les démunis+ et le célèbre film français +L’amant+ du metteur en scène Jean-Jacques Annaud".
Texte et photos : Phuong Mai/CVN