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«Comme les créateurs de mode, les artisans fleuristes ont à trouver leur propre style», confie l’artisan Nguyên Manh Hùng. |
Depuis l’âge de 11 ans, Nguyên Manh Hùng admire le pouvoir de séduction qu’ont les fleurs. «Lorsque je vois une belle fleur fraîche, je ressens des émotions inexprimables. Par contre, en voyant un pétale fané, j’ai le cœur serré», a-t-il partagé. Originaire du Vieux quartier de Hanoï, Hùng était un agité qui ne manquait jamais une occasion de s’amuser avec ses amis. Ses parents ont alors décidé de l’envoyer à vivre avec une proche fabriquant des fleurs en soie. Et c’est là-bas, en l’aidant, qu’il a découvert ses capacités en la matière.
Il a alors appris à faire des fleurs en papier de soie, sa proche était son enseignante. En principe, pour bien faire de telles fleurs, il faut saisir la structure et les caractéristiques de la fleur réelle. Et pour ce, il est nécessaire d’étudier chaque pétale, le pistil de la fleur éclose, comme celle non-éclose. Au fil du temps, en étant en contact tous les jours avec les fleurs, Hùng a peu à peu compris leur langage et chacune de leurs nuances.
Soutien solide de sa famille
D’enfant agité, notre jeune homme offre aujourd’hui des fleurs à ses amis et ses proches, sa plus grande motivation résidant dans la création de fleurs «comme des vraies», mais qui durent indéfiniment. Sa famille étant de condition modeste, il a commencé à travailler comme fleuriste à temps partiel dès l’âge de 13 ans, pour aider ses parents.
Cette activité, que d’autres jugeaient destinée aux femmes, a néanmoins retenu toute l’attention de Hùng, dont le solide soutien de sa famille et de ses proches a été essentiel. Sa mère est la personne qui a su le mieux percevoir les difficultés de ce métier. «Au début, en le voyant ramasser des morceaux de papier jetés, collecter des restes de laques, j’ai eu de la compassion pour lui. Tout ce que je pouvais faire à l’époque, c’est de l’aider à obtenir davantage de ces matériaux», a-t-elle partagé.
Dans les années 90, le pays était encore en difficulté. Le fait d’admirer les fleurs ou d’en acheter pour décorer la maison étaient quelque chose de noble, et donc assez rare. Et pourtant, les bouquets et corbeilles de Manh Hùng était si prisés qu’ils se vendaient tous.
Persévérance et efforts font le succès
Une œuvre de Nguyên Manh Hùng exposée dans l’ancienne capitale Hoa Lu, province Ninh Binh (Nord). |
Tout est allé bien pendant nombre d’années avant que les fleurs artificielles fabriquées en Chine n’arrivent au Vietnam pour dominer le marché. Cette évolution a conduit à une inflexion dans sa carrière. Avec habileté, créativité et assiduité, il s’est initié à l’Ikebana, l’art japonais de la composition florale. Chaque jour, il allait en vélo de chez lui, dans la rue Hàng Da (arrondissement de Hoàn Kiêm), au village Tân Mai (arrondissement de Hoàng Mai), à 7 km, pour apprendre les techniques spéciales de cet art.
Depuis, Hùng se concentre dans l’arrangement des fleurs fraîches dans le cadre de la décoration des événements comme mariages, conférences, même ceux importants, d’une portée nationale. Notamment, il a réalisé des corbeilles de fleurs pour les réunions à Hanoï de l’ASEM 5 en 2004 (Dialogue Asie-Europe) et de l’APEC (Forum de la coopération économique Asie-Pacifique) en 2006, ainsi que pour les trois éditions du Festival floral de Hanoï en 2009, 2010 et 2012.
Appréciant ses œuvres, les connaisseurs peuvent trouver qu’elles arborent un style japonais, sophistiqué mais la disposition des couleurs est européenne, simple. Par contre, les compositions florales de Nguyên Manh Hùng expriment l’âme et la culture vietnamiennes, qui font la réputation de l’artisan. «Comme les créateurs de mode, les artisans fleuristes ont à trouver leur propre style», a-t-il confié.
Grâce à ces contributions, il a gagné des prix nationaux et internationaux en matière d’art floral et, en particulier, a été élu premier artisan fleuriste du pays. Récemment, Nguyên Manh Hùng a été nommé «Artisan d’élite» pour ses contributions et exploits.
Ses plus grands souhaits, c’est d’abord de créer un espace qui lui permette d’apprendre aux amateurs de cet art les techniques, et d’échanger des expériences et des connaissances avec ceux qui travaillent dans le même domaine. Ensuite, il tient à agir afin que les jeunes professionnels soient reconnus par l’État et respectés par les autres. En termes d’ambition, Nguyên Manh Hùng tente de contribuer à valoriser ce métier au Vietnam dans le but d’en faire un art au lieu d’un service, comme l’Ikebana au Japon.
Mai Quynh/CVN