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Le couturier espagnol Luis Fernandez et sa cliente Virginia Cuaresma au milieu de robes de flamenco, dans son atelier à Séville (Espagne). |
Photo : AFP/VNA/CVN |
En plein cœur de Séville, l’atelier du couturier espagnol Luis Fernández est en ébullition. Entre froissements d’étoffes à volants et farandoles de tissus à pois aux couleurs éclatantes, les clientes se succèdent aux essayages pour dégoter leur robe de flamenco, un des symboles traditionnels de l’Espagne.
Virginia Cuaresma est l’une d’entre elles. Sous le regard attentif du modiste, qui pince entre ses doigts les épingles pour ajuster la tenue, elle enfile d’abord une robe bleue très classique, avec des volants sur les manches, puis une bleue pastel avec un châle assorti, et une rouge, très moderne, transparente, dévoilant toute la jambe...
“En ce moment c’est le bazar, l’atelier est sens dessus-dessous”, explique Luis Fernández, ajoutant qu’“il s’agit des derniers essayages” avant que les clientes ne récupèrent leurs robes pour la Feria de Séville.
Cette fête d’une semaine, attirant chaque année des centaines de milliers de personnes dans la capitale andalouse et où se croisent cavaliers en habits traditionnels et “flamencas”, s’est achevée le 4 mai.
L’histoire de cette robe très ajustée jusqu’en-dessous des hanches, avec des volants sur les jupons et les manches, remonte à plus d’un siècle. Les femmes la portent avec un châle sur les épaules, des boucles d’oreille, des bracelets et les cheveux attachés en chignon avec une énorme fleur.
Symbole de la femme andalouse, elle est devenue l’une des images de l’Espagne et sa version bon marché fait partie des souvenirs ramenés dans leurs valises par les touristes étrangers.
“Cette robe fait ressortir ce qu’il y a de plus beau chez la femme”, avec son large décolleté, “cette forme de sablier”, entre cette “taille étroite”, les hanches et la poitrine, pour que “la femme se sente vraiment mise en valeur” et “belle”, résume le couturier.
“Quand je choisis une robe pour la Feria, je cherche à ce que la silhouette soit sublimée”, assure Virginia Cuaresma, géographe de 34 ans, pour qui enfiler cette tenue contribue à “perpétuer les traditions andalouses” et à rester “connectée” avec sa défunte grand-mère Virginia, qui lui en confectionnait quand elle était petite.
Quand Luis Fernández a commencé à créer des tenues en 2012, il était évident pour ce Sévillan fou de la Feria qu’il se consacrerait à la robe de flamenco. C’est la seule tenue traditionnelle régionale “qui évolue avec la mode, la seule qui accepte les nouvelles tendances”, dit-il.
Cette robe est héritée des vêtements de “majo”, portés à l’origine par les classes populaires madrilènes et immortalisés dans les tableaux de Francisco de Goya (1746-1828), informe l’anthropologue Rosa María Martínez Moreno, auteure du livre La robe de flamenco.
Le créateur Luis Fernandez ajuste une robe de flamenco que Virginia Cuaresma essaie. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Avec l’avènement des ferias à Séville, au milieu du XIXe siècle, la tenue a été adoptée par les classes plus aisées à une époque où le rejet des Français et de leur mode aristocratique était très fort en Espagne. Elle puise alors également son inspiration dans les robes avec des volants des Gitanes vendant des beignets dans ces ferias.
Au XXe siècle, la robe adopte sa forme actuelle et devient très populaire, notamment grâce à la professionnalisation du flamenco et la multiplication des écoles de danse andalouses, où les femmes apprenaient les gestes et les figures leur permettant de briller durant les ferias, indique Rosa María Martínez Moreno.
Image de l’Espagne
Dans les années 1960, la dictature de Francisco Franco (1939-1975), qui veut “vendre l’Espagne comme une destination touristique”, se sert des “stéréotypes populaires” comme la robe de flamenco qui “commence à être identifiée comme l’image de l’Espagne” à l’étranger, poursuit l’experte.
Plus récemment, la robe andalouse, “dichotomie entre tradition et modernité”, a inspiré de “grands couturiers” comme Dior, dont la maison a organisé un grand défilé très flamenco à Séville il y a deux ans, ajoute-t-elle.
À Séville, le secteur s’est désormais professionnalisé et les couturiers, qui suivent “les tendances de Paris et Milan” selon Luis Fernández, ont depuis 1995 leur Semaine internationale de la mode Flamenca (SIMOF). La marque de M. Fernández et de son associé Manuel Jurado y a remporté en 2016 le Prix des jeunes couturiers.
Une robe venant d’un atelier comme celui de M. Fernández peut coûter de plusieurs centaines à plus de mille euros, mais il existe des options plus économiques dans des enseignes moins chères.
Heureusement, d’ailleurs, pour des clientes comme Virginia Cuaresma, qui achètent “au moins” une robe chaque année, car “on n’aime pas remettre la même robe” d’une année sur l’autre, en particulier le premier jour de la Feria.
AFP/VNA/CVN