La révolution "CAR-T" : à Paris, la biotech Cellectis fourbit ses armes face au cancer

C'est une promesse qui fait rêver médecins et associations de patients. Avec ses ciseaux moléculaires, la biotech française Cellectis veut soigner les leucémies et cancers récalcitrants, illustration d'une révolution en marche.

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Une technicienne travaille sur les cellules CAR-T dans un laboratoire de la biotech française Cellectis, le 23 septembre à Paris.
Photo : AFP/VNA/CVN

C'est dans un laboratoire ultra sécurisé du 13e arrondissement de Paris que démarre l'édition des cellules, pour les armer face aux cellules cancéreuses. Mais avant de s'avancer plus loin dans ces locaux aseptisés, mieux vaut réviser son vocabulaire.
Car Cellectis travaille sur les cellules CAR-T, ou "cellules T à récepteur antigénique chimérique". En langage lambda, notre système immunitaire dispose pour se protéger de lymphocytes T, qui identifient et détruisent les cellules étrangères.
"La cellule T est extraordinaire. C'est une sorte de petit soldat, capable de tuer de façon répétée et de se démultiplier", explique André Choulika, l'enthousiaste chercheur qui a fondé Cellectis il y a plus de vingt ans.
Or, depuis quelques années, les scientifiques savent comment modifier génétiquement ces cellules, pour exprimer à leur surface une protéine spécifique.
"On met une petite tête chercheuse sur cette cellule T, qui va reconnaître la cellule cancéreuse", décrypte André Choulika. Cette technologie de pointe permet de cibler très précisément les tumeurs sans toucher les autres organes, contrairement aux chimiothérapies.
Deux traitements reposant sur les CAR-T sont déjà sur le marché contre certains cancers. Il s'agit de Yescarta, du laboratoire américain Gilead, et de Kymriah, développé par le suisse Novartis. Dans ces deux cas, les cellules T sont prélevées sur le patient, avant d'être éditées, personnalisées et multipliées en laboratoires, et enfin réinjectées.
"Nouvelle optique"
Cellectis développe quant à lui des CAR-T "sur étagère" : non pas prélevées sur le patient, mais issues de banques de cellules, elles peuvent être conservées à très basse température dans les hôpitaux, puis injectées aux patients au gré des besoins. Ce qui rendrait les thérapies potentiellement moins lourdes et plus rapides à produire.

Des techniciens travaillent sur les cellules CAR-T dans un laboratoire de la biotech française Cellectis, le 23 septembre à Paris.
Photo : AFP/VNA/CVN

Le défi est de taille. "Il y a un principe fondamental en médecine : on ne peut pas prendre les cellules d'un donneur et les injecter à un receveur", au risque sinon de provoquer un syndrome du greffon contre l'hôte, un syndrome gravissime, souligne André Choulika.
Pour éviter cela, Cellectis reprogramme donc la cellule : "On lui redonne une nouvelle optique : elle ne voit plus qu'une chose, la cellule cancéreuse", poursuit-il.
La biotech, qui dispose de sites de production à Paris et aux
États-Unis, a connu un succès important en 2015, en traitant un bébé atteint de leucémie. Depuis, quelque 120 patients ont été traités par des produits issus de sa recherche, actuellement en essais cliniques, indique son fondateur.
Pour les spécialistes du secteur, la technologie des CAR-T est ultra prometteuse : "C'est l'une des prochaines révolutions technologiques du monde de la santé", affirme ainsi Loïc Plantevin, du cabinet de conseil Bain et Company.
"On est au coeur de la médecine personnalisée. Dans les dix prochaines années, nous verrons de plus en plus de traitements, avec des thérapies de plus en plus efficaces et simples d'utilisation".
Mais arriver à éditer les gènes nécessite des outils, en l'occurence de l'ARN, cet acide ribonucléique devenu célèbre à la faveur des vaccins anti-COVID. Cellectis fabrique ainsi, dans une partie du laboratoire parisien, ces molécules d'ARN, lequel est ensuite envoyé au site de production outre-Atlantique. Il se transformera, après encore de nombreuses opérations, en ciseaux moléculaires capables de couper un fragment d'ADN dans les cellules T.
"Au moment où la demande mondiale pour l'ARN a explosé durant le COVID, il était d'autant plus utile d'en fabriquer en interne", rappelle Leopold Bertea, vice-président des opérations techniques.
La biotech table sur une première commercialisation prévue pour 2023 ou 2024. Avec à terme la possibilité de réduire potentiellement les prix de ces thérapies onéreuses, qui coûtent plusieurs centaines de milliers d'euros la dose.

AFP/VNA/CVN

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