La reconnaissance faciale, bientôt partout à Singapour, inquiète

Des impôts à la banque, Singapour va généraliser la vérification biométrique pour l'accès à de nombreux services, mais les défenseurs de la vie privée dénoncent un système intrusif et potentiellement liberticide.

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Un employé de l'agence gouvernementale GovTech de Singapour effectue une démonstration de reconnaissance faciale pour accéder aux services publics, le 1er octobre.

À partir de l'an prochain, des millions d'habitants de la cité-État d'Asie du Sud-Est auront accès à des services publics et privés en s'identifiant par reconnaissance faciale avec le système SingPass. Grâce à ces vérifications biométriques, plus besoin de se souvenir d'un mot de passe ou d'utiliser une clé de sécurité électronique, soulignent les créateurs du système.

Cette réforme participe de la volonté de Singapour de miser à fond sur le développement des nouvelles technologies, des paiements électroniques aux moyens de transports autonomes. "Nous voulons être innovants en appliquant la technologie au bénéfice de nos citoyens et de nos entreprises", indique Kwok Quek Sin, collaborateur de l'agence gouvernementale Govtech. La reconnaissance faciale est une technologie déjà adoptée ailleurs, notamment par les géants technologiques américains Apple ou Google pour utiliser un téléphone ou payer.

Plusieurs pays ont aussi déployé cette technologie pour des passeports biométriques et dans des aéroports pour vérifier l'identité de voyageurs. Mais ce projet gouvernemental est l'un des plus ambitieux. Cette technologie nécessite de prendre une série de photos du visage d'une personne sous plusieurs éclairages. Les images sont ensuite intégrées à des bases de données gouvernementales comme celles des cartes d'identité ou des passeports.

Lee Sea Lin de la société de conseil Toppan Ecquaria, qui collabore avec l'agence GovTech pour cette technologie, assure que le processus est sécurisé. "Nous voulons avoir l'assurance que la personne qui est derrière l'écran est une vraie personne (...) et que ce n'est pas une image ou une vidéo", explique-t-il. La technologie est déjà testée par certains services publics comme le fisc et les caisses de retraite. Des sociétés privées ont aussi été invitées à s'y associer, comme DBS, l'une des principales banques de Singapour.

Possibilités d'exploitation

Mais cette technologie reste controversée malgré son usage de plus en plus large. Les experts soulignent qu'elle pose des questions éthiques, par exemple quand des forces de sécurité l'utilisent pour identifier dans une foule des individus susceptibles causer des troubles.

Dans le quartier commerçant d'Orchard Road à Singapour, le 25 septembre.
Photo : AFP/VNA/CVN

Les autorités de Singapour sont régulièrement accusées de réprimer toute opposition et voix critiques et les défenseurs des droits de l'homme se demandent quel usage le gouvernement va faire de cette technologie. "Il faut des limites claires sur les pouvoir du gouvernement à utiliser la surveillance ou le recueil des données", souligne Kirsten Han, une journaliste indépendante de l'île.

"Est-ce que l'on va découvrir un jour que ces données sont aux mains de la police ou d'une agence sans que l'on ait donné un consentement spécifique pour cela ?". Les promoteurs de SingPass soulignent que le système nécessite que l'individu donne son consentement au recueil des données. Mais les défenseurs de la vie privée ont des doutes. "Cette technologie n'est pas du tout anodine", souligne un collaborateur de l'ONG Privacy International.

Des systèmes comme celui qui est prévu à Singapour "peuvent être exploités" notamment pour surveiller des individus. Kwok Quek Sin, de l'agence gouvernementale GovTech, souligne que les données ne peuvent pas être partagées avec des acteurs tiers, et que les utilisateurs peuvent choisir d'utiliser une autre option comme un mot de passe pour accéder aux services. "Ce n'est pas de la surveillance", note-t-il. "Il s'agit d'un usage spécifique".


AFP/VNA/CVN

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