La querelle historique entre Séoul et Tokyo menace le marché mondial de la techologie

Les contentieux historiques entre Tokyo et Séoul fragilisent la production sud-coréenne de composants servant à fabriquer puces et écrans de smartphones et, au-delà, le marché mondial des technologies, préviennent les analystes.

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Le président sud-coréen Moon Jae-in (centre) dans une conférence avec les dirigeants des entreprises, le 10 juillet.
Photo: YONHAP/VNA/CVN

Le gouvernement japonais a annoncé la semaine dernière des restrictions sur les exportations en République de Corée de produits chimiques vitaux. Ces mesures découlent d'une querelle ancienne sur le travail forcé auquel ont été soumis les Coréens par le colonisateur japonais pendant la Seconde guerre mondiale, ravivée récemment par une décision de justice sud-coréenne perçue comme un affront pour Tokyo.

La situation ne semble pas prête d'être réglée rapidement et les spécialistes jugent que le déploiement de la 5G, l'internet mobile ultra-rapide, pourrait être perturbé, de même que celui des écrans pliables futuristes.

"Il pourrait y avoir un recul de la production, ce qui aura pour effet d'augmenter le prix des (puces) et, certainement, celui des produits finis", prévient Avril Wu, analyste au cabinet taïwanais TrendForce.

Séoul dispose de stocks mais la pénurie pourrait se faire sentir au bout de trois mois, ajoute-t-elle.

Le président sud-coréen Moon Jae-in a parlé d'une situation "d'urgence sans précédent". Le parti au pouvoir a réclamé une rallonge budgétaire de 300 milliards de wons (226 millions d'euros) pour aider les entreprises à surmonter la crise.

Le Japon refuse pour l'heure de négocier et les géants Samsung Electronics et SK Hynix ont du souci à se faire.

"Régression"

Selon l'Institut Hana de finance de Séoul, ils assurent à eux deux près des deux tiers de la production mondiale de puces électroniques, avec pour clients des géants comme Apple, Huawei ou Amazon.

"La R. de Corée est le leader mondial de la production de puces, le Japon est le leader mondial de la production des matériaux essentiels à la fabrication de puces", résume Ahn Ki-hyun, vice-président de l'Association coréenne de l'industrie des semiconducteurs.

"Avec cette querelle commerciale, le Japon comme la R. de Corée perdent leur meilleur partenaire. Et ils ne trouveront ni l'un ni l'autre une bonne alternative pendant un bon moment".

"En bout de chaîne, il y aura une stagnation ou une régression du marché international des technologies de pointe. Le prix des gadgets pourrait grimper car une pénurie de puces est vraisemblable".

Les groupes technologiques sont déjà confrontés à des perspectives économiques mondiales moroses.

Les restrictions japonaises visent trois produits chimiques ainsi que le transfert de technologies relatives à ces composés. Les exportateurs japonais doivent désormais demander une autorisation pour toute livraison à la R. de Corée, procédure qui peut durer 90 jours.

Len Jelinek, chargé de la recherche sur les semiconducteurs chez IHS Markit, est pessimiste.

"Du fait du volume de produits chimiques requis pour la fabrication de semiconducteurs, il n'est guère vraisemblable que les gros fabricants de puces puissent trouver les quantités nécessaires auprès de fournisseurs non japonais", dit-il.

Modèles pliables

Le Samsung Galaxy S10+ est exposé dans une boutique de téléphonie à Séoul, le 30 avril.
Photo: AFP/VNA/CVN

Deux des matériaux visés, fluorure d'hydrogène et photorésine, sont essentiels à la fabrication de puces mémoire. Le troisième, le polyimide fluoré, sert à produire des écrans de téléviseurs et de smartphones, dont les modèles pliables attendus avec impatience par l'industrie.

D'après la presse, le Japon produit 90% du polyimide fluoré mondial.

Un représentant de Samsung explique à l'AFP que le groupe étudie comment "minimiser l'impact sur la production". LG Display dit lui avoir commencé à tester le polyimide fabriqué en Chine et à Taïwan.

Parmi les produits finis susceptibles d'être touchés figurent le Galaxy Fold et le smartphone 5G pliable de Samsung, qui espère raviver un secteur en panne d'innovation. Le mastodonte sud-coréen a passé huit ans à développer ce modèle, dont la mise sur le marché cette année a été retardée pour cause de problèmes d'écran.

Plus largement, le déploiement de la 5G, technologie qui doit permettre de franchir un nouveau cap dans le niveau de connectivité et où la Corée du Sud est en pointe, risque d'en pâtir.

Park Jea-gun, professeur d'ingénierie électronique à l'Université Hanyang de Séoul, met en garde contre un conflit long.

"La baisse de la production des puces va tout ralentir, comme les entreprises en ligne qui comptent sur la très grande vitesse de la 5G et sur des gadgets 5G solides. Et, à long terme, c'est l'économie mondiale qui va en souffrir".

AFP/VNA/CVN

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