La périlleuse transhumance des rennes en Laponie suédoise

Harde de robes argentées, plastrons blancs et grands bois dont l’arborescence se mêle aux étendues mordorées de la toundra suédoise : avant la nuit arctique, les rennes descendent dans la plaine pour rejoindre leurs pâturages d’hiver.

>>Biodiversité : moitié moins d'animaux sauvages sur Terre qu'il y a 40 ans

>>Dans les forêts suédoises, Vaexjoe, la "ville la plus verte d'Europe"

>>Le réchauffement responsable du recul des glaciers de montagne

Un homme sami attrape un renne pour le marquage dans une ferme près du village de Dikanäs, situé à 800 km au nord de la capitale suédoise Stockholm.
Photo : AFP/VNA/CVN

Une transhumance empreinte de sacré pour les éleveurs samis (lapons) sur laquelle pèsent pourtant maintes menaces, du réchauffement climatique à l’exploitation forestière et minière, et des éoliennes aux gloutons, ces mammifères carnivores de la taille d’un petit ours.

L’automne venu, les rennes abandonnent la montagne aux tétras, guidés sur la bruyère par leurs propriétaires membres de la minorité autochtone sami, la seule autorisée en Suède à élever des rennes.

«C’est une vie de peine, mais c’est la plus belle qui soit», assure Margret Fjellström, qui possède plusieurs centaines de têtes à Dikanäs, un village des contreforts des Alpes scandinaves situé à 800km au nord de Stockholm, la capitale suédoise.

«De cette vie dépend mon identité. Quand, dans la montagne, on voit naître un faon, on oublie tous les ennuis», assure-t-elle.

À Dikanäs - Gäjka en langue sami -, les éleveurs en quad ou motoneige préparent la transhumance en menant des milliers de cervidés jusqu’à un vaste enclos. Là, les faons sont marqués, les adultes triés : les plus gras sont envoyés à l’abattoir, les autres partent vers des terres boisées riches en lichen, un élément précieux de leur alimentation.

À la manœuvre, Margret Fjellström, la trentaine. Lasso tournoyant au-dessus de son bonnet fourré, elle donne ses ordres, avec à la ceinture l’indispensable couteau qui lui sert à tailler la marque - titre de propriété - dans l’oreille des bêtes.

Il faut aller vite. La nuit tombe avant 15h00, les animaux semi-domestiqués sont stressés et les hommes, épuisés. Sous le regard fasciné des enfants, ils couchent les rennes, les marquent et les vaccinent, chargent les bétaillères qui les conduiront aux pâturages d’hiver, 200 kilomètres plus à l’est.

Les périls mortels guettent les rennes

Des rennes dans une ferme près du village de Dikanäs, en Suède.
Photo : AFP/VNA/CVN

Dans cette partie méridionale du «Norrland», la transhumance ne se fait plus à l’ancienne, en suivant la pérégrination des rennes à travers les étendues sauvages entrecoupées de tourbières, de forêts denses et de lacs.

Car à cette époque de l’année, la couche neigeuse est encore fine et éparse. «Les eaux sont libres et donc infranchissables ou alors la glace est trop fragile. Un éleveur d’un village sami situé un peu plus au nord s’est noyé début novembre», rappelle Margret Fjellström.

Pas d’autre choix que de prendre la route, même si cela coûte plus cher. D’autres périls mortels guettent les rennes, dont les troupeaux sont déjà décimés par la mortalité élevée des faons (40%), victimes du froid, des maladies et des prédateurs: gloutons, ours, loups, lynx et aigles font des ravages.

Pour 2015, Margret Fjellström estime son préjudice à 250.000 couronnes (23.400 euros), décompte fait des indemnités versées par la préfecture. «La Suède a décidé de protéger les espèces pour diversifier la faune, c’est bien, mais est-il juste que je doive en faire les frais ?», lance-t-elle.

Réchauffement climatique

La transhumance et l’errance des rennes en montagne comme en plaine se heurtent aussi au réchauffement climatique, qui fait alterner périodes de froid et de redoux, gelant le sol et empêchant les rennes d’accéder au lichen. Pour les nourrir, il faut alors compléter avec du fourrage, onéreux.

Les bêtes subissent aussi les affres de la modernité : elles sont effrayées par le vacarme des éoliennes raccordées au réseau électrique, par les machines des bûcherons et l’extraction minière. Les éleveurs multiplient d’ailleurs les procès contre ces entraves à leur activité.

«Chaque génération d’éleveurs a son calvaire. Pour celle de mon père, c’était (la catastrophe nucléaire de) Tchernobyl» dont les retombées ont empoisonné mousse et lichen, rappelle, fataliste, Margret Fjellström. Trente ans après, des rennes sont toujours radioactifs dans l’Arctique.

Pour joindre les deux bouts, la jeune femme travaille à la réception d’un hôtel, son mari s’emploie à la journée auprès des forestiers - jusqu’au mois d’avril, lorsqu’il faudra rendre les rennes à la montagne...

La Suède compte 4.600 propriétaires de rennes pour un peu plus de 250.000 bêtes, selon le parlement sami. Domestiqué sur tout le Septentrion nordique pour sa viande, sa fourrure et ses bois destinés à l’artisanat, le renne vit aussi à l’état sauvage, en particulier en Norvège.


AFP/VNA/CVN

Rédactrice en chef : Nguyễn Hồng Nga

Adresse : 79, rue Ly Thuong Kiêt, Hanoï, Vietnam

Permis de publication : 25/GP-BTTTT

Tél : (+84) 24 38 25 20 96

E-mail : courrier@vnanet.vn, courrier.cvn@gmail.com

back to top