La Maison Sophie Hallette lève le voile de la mécanique de la dentelle

Imposantes machines de fonte situées dans les locaux de la Maison Sophie Hallette à Caudry, petite commune du Nord, les "antiquités" nées chez les industriels anglais sont la source d'une des dentelles les plus prisées de la mode internationale.

C'est une fine toile arachnéenne qui se distingue dans la lumière artificielle des hangars qui abritent les machines. Quelque 20.000 fils s'entrelacent mais ne s'emmêlent jamais dans les métiers Leavers, héritage d'un autre temps, celui de l'âge d'or de la dentelle anglaise au XIXe siècle.
Douze tonnes de fonte et près de 10 mètres de long, pour un ouvrage qui veut reproduire le geste de la dentellière. Une centaine de machines trônent dans les locaux de la Maison Sophie Hallette. Certaines sont préservées pour en extraire des pièces de rechange.

Un employé des ateliers Sophie Halette, à Caudry, surveille le fonctionnement d’un métier à tisser.


Les métiers ne sont plus fabriqués depuis plusieurs dizaines d'années. Étienne Lescroart, qui a relancé la manufacture datant de 1887 dans les années 1940, achète de nombreuses machines et rationalise la structure, faisant de Caudry l'un des derniers endroits dans le monde où on les trouve encore.
Le groupe est repris par son fils Bruno, et aujourd'hui présidé par le petit-fils Romain. "Bruno mon père et son fils sont des mordus de dentelle. Les métiers Leavers, c'est de la mécanique de précision, comme une Rolls Royce. Les hommes sensibles à ce genre de machines se prennent au jeu", sourit Maud Lescroart, directrice marketing.
La dentelle de Kate Middleton
La fascination pour la dentelle Sophie Hallette, que l'on retrouve, entre autres, chez Dior, Gucci, ou Valentino, ainsi que dans la lingerie fine, pourrait bien venir de ce "contraste incroyable entre la complexité de la machine et la finesse de la dentelle", avance Maud Lescroart. Une finesse qui s'est révélée au grand public en juillet 2012 : à son mariage Kate Middleton arborait une robe spectaculaire ornée de dentelle Sophie Hallette.
Aux commandes de l'une des machines, Samuel Davoine est "tulliste", à 40 ans dont 24 passés avec les métiers Leavers. C'est son père qui lui en a appris le maniement. Le savoir au sein de l'entreprise se transmet souvent au sein des familles.

Une dentelle de la maison Sophie Hallette.


Dans le bruit des machines, il aime le rythme régulier des collections qui défilent. Il est en train de travailler sur une commande de 232 "racks". À environ 3 racks et demi de l'heure, la dentelle est un ouvrage qui prend son temps. Dans le bureau de dessin, Franck Desfossez, esquisseur, travaille sur papier calque et au crayon. Mais ses collègues ont les yeux rivés sur des écrans d'ordinateur, signes de la modernisation du processus.
La responsable du bureau Florence Tanghe sort des archives d'anciens modèles tracés à la main, grossis 200 à 300 fois avec l'emplacement de chaque passement de fils. Aujourd'hui, les esquisses sont scannées et tout se fait numériquement. Le fichier créé est envoyé directement à la machine.
Le groupe maîtrise l'ensemble de la chaîne, du studio de création à la teinture. Et si les machines prennent de la place, le facteur humain n'est pas mis de côté. Les petites mains de la Maison Sophie Hallette ont des noms sympathiques : raccommodeuses, écailleuses, ou encore "visiteuses" lorsqu'elles vérifient les défauts sur les ouvrages tout juste sortis des machines. "Tant que l'on ressentira de l'émotion en regardant de la dentelle, cela marchera. Et c'est aux artisans qu'on le doit", souligne Maud Lescroart.
La directrice marketing restera muette sur les chiffres de l'entreprise, détenue par des capitaux familiaux. Le mystère n'est pas prêt à être entièrement dévoilé.

AFP/VNA/CVN

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