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"Cela fait dix ans que nous constatons une inflation des prix des médicaments. En 2004, les médicaments contre le cancer représentaient 24 milliards de dollars; en 2008, 40 milliards; en 2014; 80 milliards sur un total de 650 milliards du coût des médicaments", a déclaré le Professeur Jean-Paul Vernant, du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, lors d'une conférence de presse.
Si rien n'est fait pour contenir cette inflation, en 2020, ils représenteront 155 milliards de dollars, soit un doublement en six ans, a-t-il souligné.
La réserve à pharmacie de l'hôpital d'Argenteuil, dans le Val-d'Oise. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Cette inflation est liée à la multiplication des traitements "ciblés". "Avant, un médicament traitait les 70.000 cancers du poumon", a expliqué M. Vernant, "Aujourd'hui, il s'adresse à des sous-groupes de malades" parce qu'on a pu différencier des types de tumeurs ou on a pu identifier des anomalies chez certains malades nécessitant des traitements plus ciblés.
Mais les laboratoires, dans une logique de "retour sur investissement", veulent que leur médicament proposé à 5.000 malades soit aussi rentable que celui qui était initialement proposé aux 70.000, selon M. Vernant.
Si association et médecins ne remettent pas en cause l'efficacité des médicaments innovants qui permettent "de guérir de nombreuses personnes malades et d'augmenter de façon régulière leur durée de vie", ils s'interrogent sur les limites à fixer.
"La prochaine molécule qui devrait arriver en France contre le traitement du mélanome, appelée Keytruda, coûterait plus de 100.000 euros par an pour chaque patient traité", a précisé la Ligue.
"100.000 euros de traitement, c'est trois fois le revenu moyen d'un ménage en France. Cela pose un problème économique, éthique et d'équité", observe Franck Chauvin, administrateur de la Ligue.
"Les industriels sont loin de fixer leur prix de manière libre", s'est défendu Philippe Lamoureux directeur général de la fédération des industriels du médicament (Leem), soulignant que le prix était arrêté sous le contrôle permanent des autorités.
"Quand vous étudiez 10.000 molécules, seule une est susceptible d'arriver sur le marché. Il faut donc amortir les coûts des nombreux échecs rencontrés pendant le développement d'un seul traitement", a-t-il par ailleurs argué.
Face à ce constat, l'association a exhorté à "un débat public et une régulation immédiate" car "la fixation des prix représente un enjeu majeur", selon Jacqueline Godet, présidente nationale de l'association.
En 2015, le coût global de la prise en charge des traitements anticancéreux aura représenté 10% des dépenses de l'Assurance maladie contre 6,6% en 2007, indique l'association.
Elle note que le coût de la recherche et du développement des molécules ne représente que 15 à 20% du chiffre d'affaires des laboratoires pharmaceutiques quand le marketing pour promouvoir ces médicaments équivaut à 30% du chiffre d'affaires, une proportion que le Leem conteste.
Philippe Lamoureux s'est enfin dit ouvert au débat, estimant lui aussi que l'accès à l'innovation était "un véritable enjeu".