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Photo d'un modèle de Néandertal au musée d'Eyzies-de-Tayac. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
L'étude, parue fin août dans la revue Science et signée par une équipe chinoise, s'est fondée sur un modèle d'analyse génétique pour déterminer que l'existence des ancêtres de l'homme moderne a été menacée pendant au moins 120.000 ans.
Mais de nombreuses critiques ont accueilli avec scepticisme cette publication, à l'instar d'Aylwyn Scally, chercheur en génétique de l'évolution humaine à l'université de Cambridge. "Il y a eu une réponse quasi unanime dans la communauté des généticiens, disant que cette étude n'est pas convaincante", a-t-il dit à l'AFP.
Aucun ne doute de la possibilité d'un goulot d'étranglement dans l'évolution de la population en question, c'est-à-dire un phénomène de réduction sévère du nombre d'humains.
Mais ils mettent en cause la précision supposée du modèle utilisé, compte tenu de l'échelle de temps considérée et de méthodes similaires ayant abouti auparavant à des résultats différents.
Comme il est très difficile d'extraire de l'ADN des rares fossiles de la lignée humaine vieux de quelques centaines de milliers d'années, les scientifiques utilisent les mutations observées dans le génome des humains modernes pour en déduire, à l'aide de modèles informatiques, les changements survenus dans le passé.
Refroidissement climatique
Reconstitution d'un Homo-sapiens. |
Photo : F.Sciences/CVN |
L'équipe chinoise a utilisé le génome de 3.150 humains modernes. Pour en conclure qu'"environ 98,7% des ancêtres de l'Homme ont disparu" au début du goulot d'étranglement (il y a 930.000 ans), selon Haipeng Li, co-auteur de l'étude, de l'Institut de nutrition et de santé de Shanghaï.
Durant 120.000 ans, la population s'est effondrée, atteignant à peine 1.300 individus, selon l'étude. "Nos ancêtres ont frôlé l'extinction et ont dû coopérer pour survivre", a-t-il dit à l'AFP.
Cet épisode aurait été causé par un refroidissement climatique, et aurait duré jusqu'à il y a 813.000 ans, avant un rebond de la population coïncidant avec une remontée des températures et, peut-être, la "maîtrise du feu", ajoute le chercheur.
Le goulot d'étranglement aurait entraîné une forte consanguinité, se traduisant par une plus faible diversité génétique dans l'espèce humaine que chez d'autres espèces proches, comme le chimpanzé.
Le goulot aurait même contribué à l'évolution parallèle des espèces humaines de Néandertal, Denisova et des humains modernes, dont on pense qu'elles se sont potentiellement séparées d'un ancêtre commun à peu près à la même époque, selon l'étude.
Cela expliquerait enfin pourquoi on trouve aussi peu de fossiles de la lignée humaine à cette époque. Un argument cependant réfuté par des paléontologues qui font état de découvertes au Kenya, en Éthiopie, en Europe et en Chine : "l'hypothèse d'un effondrement global (de population) ne colle pas avec les découvertes archéologiques et de fossiles humains" relève ainsi un responsable du British Museum, Nicholas Ashton, interrogé par la revue Science.
Pour M. Li au contraire, les hominidés vivant alors en Eurasie et Asie de l'Est ne sont pas forcément les ancêtres de l'humanité contemporaine. "L'ancienne petite population (qui a frôlé l'extinction) est l'ancêtre de tous les humains modernes, sinon nous n'en porterions pas la trace dans notre ADN", affirme-t-il.
"Extrême scepticisme"
De son côté, Stephan Schiffels, spécialiste de la génétique des populations à l'Institut allemand d'anthropologie évolutionnaire Max Planck, a fait part de son "extrême scepticisme" sur le fait que les chercheurs aient tenu compte des incertitudes statistiques en la matière.
Il ne sera "jamais possible" selon lui d'utiliser l'analyse génomique des humains modernes pour arriver à un chiffre aussi précis que 1.280 individus ayant vécu il y a si longtemps.
M. Schiffels a ajouté que les données utilisées étaient connues depuis des années, et que des méthodes d'estimation de populations passées n'ont jamais conclu à une quasi-extinction.
Dans ces conditions "il est difficile d'accepter leur conclusion", commente Pontus Skoglund, de l'Institut britannique Francis Crick.
AFP/VNA/CVN