La légende du ver à soie

De tout temps, la soie a été un tissu recherché pour confectionner des vêtements doux et élégants. À l’origine de ce seigneur des étoffes, un tout petit animal !

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Une belle histoire pour un tissu d’une si magnifique douceur.

Au Vietnam, la soie a son village, ses boutiques, ses artisans, sa rue, et ses fabricants. Les fabuleuses tenues qui s’affichent sur la devanture des magasins font rêver. Les visiteurs se précipitent dans les magasins pour caresser écharpes, foulards, robes, et chemises. Mais pensent-ils à ce tout petit ver à soie qui a donné les fils de son cocon pour que l’habile tisserand puisse mettre à jour d’aussi magnifiques parures ? Ce petit ver qui est apparu il y a si longtemps que seule une belle légende nous en rappelle la naissance.

Libre et belle

Il était une fois, une jeune fille qui s’appelait Tơ. Ses parents sont morts alors qu’elle était qu’une enfant. Elle fut donc obligée de se placer comme domestique chez une riche mégère qui avait un caractère épouvantable et était si cruelle qu’elle la battait souvent. Trop malheureuse, Tơ s’enfuit un jour dans la forêt. Elle préférait affronter les dangers des bois plutôt que d’endurer plus longtemps les mauvais traitements de sa maîtresse.

Elle courut longtemps, se blessant pieds et mains sur les rochers, déchirant ses vêtements aux branches. Après une longue course, elle se laissa tomber au pied d’un arbre et s’endormit, ivre de fatigue. En cet endroit, vivait un génie qui avait le don de lire les âmes humaines.

En découvrant la détresse de cette pauvre jeune fille, il décida de la protéger. Quand Tơ se réveilla, toute sa fatigue avait disparu. Elle était allongée dans une grotte, sur un lit de mousse douce comme du velours. Autour d’elle, à portée de main, se trouvaient toutes sortes de fruits succulents. Comme elle avait faim, elle en mangea avec délice et fut bientôt rassasiée. À peine son repas terminé, elle vit arriver un vieillard à l’aspect bienveillant qui n’était autre que le Génie de la forêt. Il feignit d’être surpris de la présence de la jeune fille qui lui raconta son histoire.

Le vieillard dit être bûcheron et lui offrit de rester dans la grotte. Il ne l’occupait pas souvent, devant se déplacer dans la forêt pour son travail. Il dit à Tơ qu’elle pouvait y habiter sans crainte. En outre, il lui expliqua qu’en cas de danger, il suffisait qu’elle appelle "Ô bûcheron !" trois fois, et il serait aussitôt à ses côtés. Le jour suivant, le bûcheron apporta à Tơ des vêtements neufs et confortables. Dès lors, elle vécut tranquille et libre. Elle rayonnait de bonheur, et devenait chaque jour plus belle.

En ce temps-là, un Immortel s’était échappé de la Cour céleste à cause de ses penchants pour les femmes du monde des mortels. Partout où il passait, il usait de ses pouvoirs magiques pour séduire toutes les femmes, mariées ou pas, depuis les princesses jusqu’aux simples paysannes, pourvu que toutes fussent suffisamment attirantes.

Dans le village de Van Phúc à Hanoï, on nourrit des vers à soie, puis dévide leurs cocons pour le tissage de la soie.

Un jour, alors qu’il passait dans la forêt, il vit la jeune fille qui s’était aventurée loin de sa grotte. Elle était si séduisante qu’il fut pris d’un fort désir de la conquérir et se précipita vers elle. Mais Tơ connaissait la forêt comme sa poche, et elle put lui échapper. L’Immortel usa de ses pouvoirs pour la retrouver et il la surprit dans une cachette. Alors qu’il était sur le point de la capturer, un cerf survint et enleva Tơ sur son dos. Après une longue course, il la déposa devant la grotte. Tơ prononça alors trois fois "Ô bûcheron !", et le génie apparut. Elle lui raconta sa mésaventure. Le génie lui donna un bracelet de jade qui la rendrait invisible chaque fois qu’elle le souhaiterait.

Quant à l’Immortel, furieux de voir une jeune fille lui échapper ainsi, il décida de tendre sur tous les sentiers de la forêt des filets tressés de fils si fins qu’ils étaient à peine visibles. Tơ fut prise dans un des filets au cours d’une promenade. L’Immortel surgit. Mais, un éléphant blanc arriva et, cassant le filet d’un coup de défense, emporta la jeune fille. Elle appela encore une fois le bûcheron. Celui-ci, conscient qu’il ne pouvait lutter contre les puissants pouvoirs de l’Immortel, suggéra à la jeune fille de prononcer le nom de Bodhisattva la prochaine fois qu’elle aurait des ennuis avec l’Immortel. Il lui précisa aussi qu’elle ne risquait rien tant qu’elle restait dans la grotte.

Fil de douceur

Pendant un certain temps, Tơ n’osa pas sortir. Mais, elle ne put résister à l’envie de courir librement dans la forêt. L’Immortel, qui était resté aux aguets, devina quel chemin elle allait emprunter. Il la prit encore une fois dans ses filets. Aussitôt, Tơ prononça le nom de Bodhisattva. Alors les mailles du filet fondirent et formèrent une petite boule de la taille d’un haricot. Comme Tơ était en train d’appeler à tue-tête, la bouche grande ouverte, la boule tomba au fond de sa gorge.

Voyant que ses tentatives pour s’emparer de cette simple fille se soldaient toujours par des échecs, l’Immortel décida de mobiliser toutes les forces surnaturelles qui étaient sous ses ordres. Il appela ainsi les Génies des éclairs, du tonnerre, du vent, et des pluies à sa rescousse. Ils déclenchèrent des pluies et des orages dévastateurs afin de décourager tout ce qui pouvait aider ou abriter la jeune fille, sans toutefois la blesser, car l’Immortel la voulait vivante.

Des produits de la soie de Van Phuc mis en vente dans une boutique à Hanoï.
Photo : CTV/CVN

Surprise devant tant d’achar-nement, Tơ eut beaucoup de mal à s’échapper. Un éclair déchira ses vêtements, et bientôt elle fut prise, nue, dans les filets. L’Immortel cria sa satisfaction et s’apprêta à abuser d’elle. Tơ eut alors recours à son bracelet, et disparut. Avec beaucoup de difficultés, elle parvint à regagner la grotte et s’y terra.

Transie de froid et de peur, elle n’osa pas cependant appeler le bûcheron à son aide, à cause de sa nudité. Elle resta ainsi recroquevillée. Soudain, prise de vomissements, elle cracha la boule de fils. Celle-ci se déploya comme un drap. Tơ s’enveloppa dedans et le trouva à la fois doux et chaud. Mais, épuisée par tant d’épreuves, elle sentit sa vie la quitter progressivement. Avant de mourir, elle eut une pensée pour tous ceux qui avaient froid et qui manquaient de vêtements.

Elle fit le vœu que les fils qui l’enveloppaient serviraient de tissu pour fabriquer des vêtements. C’est ainsi qu’elle se transforma en ver à soie. Afin de réaliser son vœu, l’âme de la jeune fille emporta les fils de soie et les accrocha sur les branches des mûriers qui bordaient les allées du jardin royal, là où le roi et la reine avaient l’habitude de se promener.

La reine remarqua les fils. Elle en prit un entre ses doigts, et s’aperçut de sa douceur. Elle voulut le casser, et s’aperçut de sa résistance. En l’exposant au soleil, elle s’aperçut de son éclat. Alors, elle donna l’ordre de rassembler tous les fils trouvés sur les branches et de les tisser pour en faire une robe. La robe terminée, elle se présenta au roi et à la Cour. Tout le monde fut subjugué par l’extraordinaire beauté qui se dégageaient de la robe et qui rehaussaient la grâce de celle qui la portait.

Depuis ce jour, le petit ver à soie tisse inlassablement son cocon pour que, de ses fils, naisse le plus beau des tissus.


Ông Ngoai/CVN

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