La lecture n’a pas la cote, facteurs historiques et sociaux

Les Vietnamiens lisent très peu, moins d’un livre par an en moyenne. L’influence de la télévision, d’Internet et des loisirs n’expliquent toutefois qu’en partie ce phénomène loin d’être isolé.

>>Créer une culture du livre

 

 

Rares sont les parents qui encouragent leurs enfants à lire, ne le faisant pas eux-mêmes.


Selon un rapport des bibliothèques nationales envoyé en avril dernier au ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme, un Vietnamien lit en moyenne 0,8 livre par an. Un chiffre qui reflète parfaitement la réalité.
Avec l’explosion de nouvelles technologies, l’homme mondialisé est devenu accro à ses appareils numériques et électroniques. Entre iclics et igames, il trouve encore le temps de s’adonner à des loisirs mais la lecture n’y a plus sa place. Le phénomène est loin d’être nouveau. Si auparavant, le livre était sa première source d’informations, il dispose aujourd’hui de moins en moins de temps et de nombreux moyens pour s’informer : télévision, cinéma, et surtout Internet. Laissant peu à peu de côté le support papier.
Selon Nguyên Quang Thach, créateur du projet «Bibliothèques rurales » en 2011, «les paysans ne lisent presque pas. Ce constat est relativement logique quand on sait que les étudiants eux-mêmes ne le font pas».

Des facteurs historiques

Toutefois, l’argument facile de la mondialisation ne suffit pas. Les derniers sondages ont montré que les Vietnamiens n’avaient pas cette culture de la lecture.
Depuis la fondation de la nation jusqu’au XIXe siècle, le caractère chinois était le seul moyen de transmission de l’information. Cependant, à l’époque, une grande partie de la population était analphabète. D’ailleurs, certains de nos ancêtres les ont appris pour devenir mandarins, non pour écrire les livres. Et s’ils avaient rédigé des ouvrages, seuls les mandarins s’y seraient intéressés.
Depuis le milieu du XIXe siècle, les Vietnamiens utilisent l’alphabet latin. Mais, avant la Révolution d’Août 1945, plus de 90% des Vietnamiens étaient toujours illettrés. Une telle nation ne pouvait être passionnée de lecture… À partir de 1945, la campagne d’alphabétisation s’effectue à une grande échelle à l’appel du Président Hô Chi Minh. À dater de 1955, le quốc ngữ s’introduit comme langue véhiculaire dans tous les degrés de l’enseignement, en remplaçant le français.
En quelques années, la tendance se renverse. En 1979, 84% de la population est lettrée. Cependant, le pays a traversé 30 ans de guerres pendant lesquelles les publications sont quasi-stoppées. Les amoureux de la lecture sont nombreux mais restent des cas isolés.
Après la réunification de 1975, la lecture n’entre toujours pas dans le quotidien des Vietnamiens et peine encore à se développer réellement. Le problème vient en grande partie du système éducatif.
Cercle vicieux
La culture et la personnalité d’un individu se forgent via son éducation d’un côté, et son environnement social de l’autre. Or, l’éducation passe par les parents et par l’école, lesquels ont une influence capitale sur la manière dont l’enfant appréhendera son environnement, et sur les valeurs qui seront les siennes. Cependant, de manière générale, ni les parents, ni les professeurs ne cultivent de goût pour la lecture. Difficile donc de susciter l’intérêt des jeunes. Comme les enseignants ne lisent pas, les élèves même les plus studieux s’arrêtent aux manuels scolaires. Ils ne sont ni incités à enrichir leur culture littéraire, ni guidés dans le choix de leurs lectures.
À la maison, les parents sont souvent très occupés et n’ont pas d’habitude de lire. Rares sont donc ceux qui encouragent leurs enfants à lire, ne le faisant pas eux-mêmes. Les jeunes optent donc naturellement pour des activités bien moins intellectuelles, les jeux électroniques, les émissions télévisées, et les réseaux sociaux, bien plus attractifs pour un enfant à qui l’on a jamais expliqué l’intérêt de la lecture.

Une culture de lecture commence dès le plus jeune âge.
                                                                                         


Selon un sondage du secteur éducatif, 86% des parents n’ont jamais lu de littérature enfantine à leurs progénitures.
Dans le cas du Vietnam, le rapport entre l’essor fulgurant des nouvelles technologies et le goût pour la lecture est différent des pays possédant une culture historique du livre. Le premier empêche totalement le second de se développer. Il est d’autant plus complexe d’inciter une société à s’intéresser à la lecture lorsque son environnement, loin de l’y aider, l’encourage à pleinement à ne surtout pas s’y intéresser.

Hoàng Hoa/CVN

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