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Coucher de soleil sur la forêt amazonienne le long du rio Negro, au Brésil, le 9 décembre 2015. |
L'étude de la forêt amazonienne, publiée dans les Comptes-rendus de l'Académie américaine des sciences (PNAS), s'appuie sur l'analyse du terrain autour de mystérieux "géoglyphes", des tracés sur le sol dont l'existence a été révélée par des vues aériennes ces dernières années rendues possibles par la déforestation à grande échelle.
Les chercheurs ont voulu comprendre "dans quelle mesure les peuples autochtones avant l'arrivée des Européens en 1492 ont eu un impact sur l'environnement en construisant ces vastes terrassements aux formes géométriques", explique Jennifer Watling, scientifique du Musée d'archéologie et d'ethnographie de l'Université de São Paulo au Brésil.
"Nous avons en tout premier lieu cherché à déterminer si cette vaste région d'Amazonie était déjà boisée quand les géoglyphes ont été construits", ajoute-t-elle.
Toujours mystérieux, ces plus de 450 géoglyphes datant de l'ère précolombienne occupent au total 13.000 km2 dans l'ouest du Brésil.
En reconstituant 6.000 ans d'histoire des sols et de la végétation autour de deux géoglyphes, les chercheurs ont déterminé que les peuples de l'ère précolombienne avaient activement exploité des massifs riches en palmiers pendant des millénaires, dans une forêt dominée par le bambou.
Des géoglyphes énigmatiques
Cette exploitation de la forêt a façonné des paysages très densément boisés qui ont survécu jusqu'à la fin du XXe siècle, avant le début d'une destruction massive de la forêt amazonienne.
Plutôt que brûler de vastes étendues de forêt pour construire ces géoglyphes ou cultiver le sol, ces peuples indigènes ont transformé leur environnement en se concentrant sur des essences forestières économiquement intéressantes comme les palmiers, créant une sorte de "marché préhistorique" de produits forestiers utiles.
Selon les chercheurs, la biodiversité des massifs forestiers que l'on trouve aujourd'hui dans cette région du Brésil pourrait être l'héritage de ces pratiques millénaires.
"En dépit du très grand nombre et de la densité des sites comptant des géoglyphes dans la région, on peut être certain que les forêts dans cette région n'ont jamais été détruites de façon étendue par ces peuples et pendant d'aussi longues périodes que durant ces dernières années", pointe Jennifer Watling.
Selon elle, cette façon d'exploiter et de gérer la forêt met en lumière l'ingéniosité de ces peuples pré-colombiens qui ont évité de dégrader ces écosystèmes forestiers. Cela montre également l'importance aujourd'hui du savoir-faire indigène pour aider à trouver des alternatives plus durables à l'exploitation des sols, estime la scientifique.
L'usage de ces géoglyphes reste une énigme. Il ne s'agit probablement pas de fondation d'habitations puisque les archéologues ont retrouvé très peu de vestiges dans le sol.
La manière dont ces terrassements étaient construits indique qu'ils n'avaient pas de fonction défensive, relèvent aussi ces chercheurs. Utilisés seulement de manière sporadique, ces géoglyphes pourraient avoir eu essentiellement des fonctions religieuses.