Mais depuis le 1er juillet 2005, la Commission européenne (CE) a appliqué une taxe antidumping sur ce produit vietnamien dont les ventes ont rapidement chuté pour être finalement de 21.000 unités en 2009.
Ce sombre tableau aurait dû toutefois s'éclaircir puisque la CE a supprimé cette taxe anti-dumping depuis le 15 juillet dernier. Les produits identiques de pays producteurs de la région n'ont pas bénéficié de cette mesure. Par exemple, les vélos chinois sont toujours taxés à un taux de 48,5%, ce qui confère a priori aux entreprises vietnamiennes un avantage en termes de compétitivité, laissant donc augurer d'une bonne reprise de ce secteur de fait sinistré... Mais le problème n'est pas si simple.
Châu Vinh Chi, directeur chargé du commerce et de l'import-export de la société Asama Yu Jiun, fait remarquer que la première difficulté n'est pas de relancer la production et les exportations. Il s'agit en réalité de retrouver le bénéfice du statut du système généralisé de préférences (SGP) de l'UE, lequel prévoit pour les vélos une taxe d'importation de 3,5% seulement. Avant l'application des mesures antidumping, les vélos vietnamiens, et plus généralement ceux de la région, en bénéficiaient au titre de produits ordinaires. Mais l'application d'une taxe antidumping a classé ceux-ci parmi les produits ultrasensibles et, désormais après suppression de cette taxe, en tant que produits sensibles suivant la réglementation en la matière de l'UE.
M. Chi ajoute : "Ce moment est néanmoins très important pour les entreprises vietnamiennes, car en recevant des commandes, elles pourront développer leur production". Au plus fort de son activité, Asama Yu Jiun produisait 400.000 vélos par an en employant 1.500 personnes et en disposant d'un réseau de 20 fournisseurs spécialisés en pièces détachées. Avec les mesures antidumping, cette société a maintenu en activité une seule chaîne de production en vue de trouver de nouveaux clients. Asama a toutefois accepté immédiatement une commande dès la décision de suppression de ces mesures. Mais Châu Vinh Chi insiste sur le fait qu'avec le bénéfice du SGP (Système généralisé de préférences) de l'UE, son entreprise retrouvera son niveau de production en 3 mois plutôt qu'en un an suivant l'estimation du ministère de l'Industrie et du Commerce (MIC)...
Ce ministère considère que le vélo vietnamien est compétitif devant ses concurrents de la région, d'autant que les entreprises nationales peuvent fabriquer trois quarts des pièces détachées et accessoires, sans compter le modique coût de la main-d'oeuvre. Mais il est préoccupé par un risque qu'il considère élevé, celui d'une décision de l'UE dans les 6 mois à venir d'appliquer à nouveau une taxe antidumping. En effet, les concurrents qui demeurent soumis à cette dernière vont essayer de faire transiter leurs propres produits par le Vietnam afin de contourner cette taxe en les faisant passer pour des vélos fabriqués dans ce pays.
Risques de taxe antidumping
Vu Ba Phu, chef adjoint du Département de gestion de la concurrence du ministère de l'Industrie et du Commerce, indique que si de tels actes perdurent, les exportations de vélos vietnamiens vers l'UE iraient gonfler anormalement, conduisant ainsi les producteurs de l'UE à demander à la CE de décider de nouvelles mesures antidumping. Il s'agit, selon lui, d'un risque très réel, outre que de tels agissements frauduleux qui entraîneront des pertes pour le secteur national de la production de vélos, porteront aussi atteinte à l'image du pays comme à ses relations de commerce avec les autres pays. Soulignant que la suppression de cette taxe antidumping sur les bicyclettes vietnamiennes exportées en UE est une décision fondée, M. Phu affirme que le Vietnam, pour protéger ses entreprises et élever son image en matière de commerce international, est déterminé à lutter contre un transit de vélos étrangers sur son territoire.
Il importe donc que les administrations compétentes renforcent les contrôles aux frontières et leur coopération, ainsi que celle avec la Chambre de Commerce et d'Industrie du Vietnam et l'Agence de délivrance du certificat d'origine des marchandises afin d'être parfaitement informés d'éventuels transits frauduleux. Par ailleurs, les services du plan et de l'investissement des villes et provinces devront veiller à examiner soigneusement les investissements étrangers dans ce secteur afin de s'assurer qu'ils ne sont pas réalisés uniquement pour des considérations d'antidumping.
Tùng Chi/CVN