La fête de Gióng, l'enfant prodige

La fête de Gióng se tient le 9e jour du 4e mois lunaire (vers mai) en banlieue de Hanoi. C'est la 2e grande fête populaire du Vietnam, après celle des rois Hùng à Phú Tho. Le témoignage vivant du patriotisme et de la reconnaissance éternelle envers les ancêtres d'un peuple héroïque.

Le nom de Phù Ðông Thiên Vuong (prince céleste du village de Phù Ðông) ou de Thánh Gióng (saint Gióng) est connu de tous les Vietnamiens, petits et grands. Il est lié à une légende vieille de mille ans, vantant les exploits d'un enfant soldat né dans le village de Phù Ðông, district de Gia Lâm, en banlieue de Hanoi. Phù Ðông abrite depuis des lustres un ensemble de sites dédiés au saint Gióng, dont le Temple supérieur (dédié au culte du saint), construit au 11e siècle, le Temple-mère (dédié à sa mère) et le champ de bataille de Dông Dam, lieu où se tient la fête. Chaque année en effet, cette légende est reconstituée en grande pompe. Les préparatifs débutent des mois à l'avance.

Gióng où l'histoire d'un enfant prodige

Selon la légende, une femme paysanne de Phù Ðông se trouve un jour enceinte après avoir marché, par curiosité, sur une empreinte de pied colossale alors qu'elle se rend au marché. Un an après, elle met au monde Gióng qui, pendant 3 ans, reste au lit, muet comme une carpe et incapable de faire 3 pas.

À l'époque, le pays est attaqué par des hordes d'envahisseurs venus du Nord. Des messagers de la cour royale parcourent le pays pour lever des armées de volontaires. Un jour, l'un d'entre eux débarque à Phù Ðông. À peine l'appel retentit-il que le petit Gióng se dresse sur son séant et s'exprime pour la première fois de sa vie : "Maman, fait le venir ici !" Entre joie et crainte, la mère demande au messager de rencontrer l'enfant, toujours au lit. Gióng demande alors à celui-ci de lui apporter un cheval, une armure et un bâton, tous en acier et d'une taille gigantesque. La tâche est immédiatement confiée aux meilleurs forgerons du pays. Le jour où le cheval d'acier est amené à Phù Ðông, les villageois se rendent en procession à la maison de Gióng et organisent une grande fête.

Et ce jour-là, ô miracle, le chétif garçonnet se transforme en Hercule. "Brave soldat! Avant que tu ne partes combattre, le village veut t'offrir un repas pantagruélique", lui disent les villageois. Et d'apporter riz, viande, poisson, légumes... Après avoir mangé comme 10, Gióng revêt sa lourde armure, saisit son bâton et bondit sur son cheval d'acier qui, immédiatement, s'anime et hennit.

Peu de temps après, le chevalier Gióng se précipite courageusement sur les troupes ennemies, les envoie valdinguer avec son bâton, épaulé par son cheval qui, tel un dragon, crache des flammes qui embrasent tout le champ de bataille. Lorsque son bâton se brise, Gióng arrache une touffe de bambous et poursuit les ennemis affolés. Une fois les envahisseurs boutés hors du pays, le chevalier monte au sommet d'une colline. Là, il ôte sa cuirasse, se tourne vers son village natal et se prosterne pour faire ses adieux à sa mère et aux villageois. Puis, il enfourche son cheval divin et s'envole pour disparaître dans l'azur.

Depuis, les villageois de Phù Ðông l'appellent saint Gióng ou Phù Ðông Thiên Vuong (prince céleste du village de Phù Ðông). Selon eux, on trouve dans la bourgade, le long des rizières, de gigantesques empreintes de sabots, des massifs de bambou d'un jaune brûlé peu commun...

Une fête haute en couleurs

La fête de Gióng rassemble des milliers de figurants amateurs qui ne sont ni plus ni moins que les jeunes gens du coin, vêtus en soldats, officiers, villageois… Les militaires arborent un uniforme rouge ou bleu, avec une ceinture noire. Le rôle de l'ennemi revient à 28 fillettes de 10 à 13 ans, censées représenter les commandants.

Les préparatifs demandent de l'organisation et débutent dès janvier par la fabrication des accessoires (costumes, bannières, fanions, cheval, tambours, gongs…) et aussi l'entraînement des figurants. La semaine avant le jour J est très chargée, avec la répétition générale, la procession solennelle vers le Temple-mère où l'on puise de l'eau dans le "puits du génie" pour bénir les armes…

La bataille commence le matin du 9e jour du 4e mois lunaire, après une cérémonie cultuelle au Temple supérieur. Au milieu des coups de tambours et de gongs, l'armée accompagnant le cheval divin se dirigent vers le champ de bataille situé au bout du village. Une procession haute en couleurs, sur 3 km. Les combats, représentés par des scènes d'arts martiaux ou de danses traditionnelles, se terminent à la tombée de la nuit, avec la victoire de l'armée de Gióng et la capture des 28 commandants ennemis.

La 2e plus grande fête populaire du Vietnam

La fête de Gióng se distingue des autres par son "caractère très populaire et très ancien. Il est consacré à un personnage légendaire que la population a canonisé, en qui elle a une croyance totale et à qui elle dédie une fête grandiose", fait remarquer le feu ministre de l'Éducation, Nguyên Van Huyên. Pour lui, la fête de Gióng revêt par ailleurs une grande signification qui est "de renforcer le patriotisme, la vaillance, le caractère indomptable ainsi que l'aspiration à la paix de la population".

"Quand j'étais jeune, j'ai participé 20 fois à la fête. Je la trouve toujours aussi superbe et originale. Elle a conservé ses couleurs de jadis", confie Nguyên Bá Hiên, 73 ans.

Selon Nguyên Khac Loi, directeur adjoint du Service de la culture, du sport et du tourisme de Hanoi, "on est en train de réfléchir à la possibilité de faire de la fête de Gióng un événement de niveau national, à l'image de celle des rois Hùng". Pour Ðinh Minh Tinh, chef adjoint du comité de gestion des vestiges du Temple de Gióng, "les préparatifs de la fête de Gióng 2010, année du Millénaire de Hanoi, ont déjà débutés. Nous attendons avec impatience le jour où l'UNESCO reconnaîtra cette fête comme un patrimoine immatériel de l'humanité".

Outre Phù Ðông, la fête de Gióng est aussi célébrée, le même jour, à Xuân Ðinh, Sóc Son et Chi Nam, des localités rurales de la banlieue de Hanoi, où subsistent ici et là des traces du combat héroïque du saint.

Nghia Ðàn/CVN

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