Il reste environ 80 puits artisanaux à Hôi An, la plupart bâtis aux 14-15e siècles. Grâce à l'explosion du tourisme dans les années 1990, le bourg de Hôi An s'est métamorphosé. Chaque boutique ou presque a maintenant son propre site internet. Les fortunes se font rapidement sous les toitures moussues.
Malgré un style de vie chamboulé (dans le bon sens du terme), les Hoïanais ont su garder les pieds sur terre. Leur patrimoine matériel et immatériel, ils essaient d'en conserver le maximum, pour eux bien sûr mais aussi pour ces touristes friands voire nostalgiques d'antiquités et de "belles choses du passé". Les vieux puits, notamment, sont toujours là, au bord des rues les plus passantes ou cachés dans les recoins des ruelles. Les fougères ou les araignées n'y font pas encore la loi. Leur niveau d'eau est immuable, même au coeur des étés les plus torrides. La plupart se trouvent dans le vieux quartier et le long de la rivière Dê Vong, sur la rive Nord (quartier de Thanh Ha et commune de Câm Thanh). On en distingue 2 types : "les campagnards", situés à 50-150 m du cours d'eau, voire à seulement 6-10 m, et "les citadins", installés au beau milieu des pagodes, des temples et des maisons.
Ronds ou carrés, voire les 2 à la fois
Ces puits sont caractérisés par une ossature de briques ou de pierres, soutenue à la base par un solide cadre de bois lim (non putrescible) qui permet d'"éviter l'écroulement de la structure”, selon Vo Viet Hông, responsable du Centre de conservation des vestiges historiques de Hôi An. Les briques et pierres sont disposées de biais, les unes sur les autres, sans liant ni mortier (ciment, chaux, sable…). "C'est à travers ces fissures naturelles que l'eau souterraine s'infiltre et est filtrée", explique Vo Viêt Hông.
Les puits de Hôi An revêtent des formes géométriques très variées. On en trouve des ronds (63% du total, essentiellement au bord des rivières), des carrés, parfois des ronds en haut et carrés à la base, des hexagonaux…
Limpide comme de l'eau de roche
Quelle que soit leur forme, ces puits donnent toute l'année une eau limpide, très douce... en dépit de la proximité d'une rivière aux eaux placides pas toujours très claires. D'aucuns attribuent ce miracle au petit autel dédié au culte du Génie de l'eau qui trône depuis des lustres auprès de chacun d'eux. "Une coutume que les habitants continuent d'entretenir", selon Vo Viêt Hông. Pour beaucoup de Hoïanais, cette eau est le gage d'une cuisine de qualité. "Les spécialités culinaires de Hôi An comme le +mi quang+, le+ cao lâu+ sont obligatoirement préparées avec de l'eau de puits. Sinon, elles perdent toute leur saveur", selon un cuistot du restaurant Cao Lâu à Hôi An.
La renommée des puits de Hôi An a dépassé les frontières du petit bourg. Des touristes étrangers, informés par leur guide Lonely Planet, vont même jusqu'à rechercher les restaurants utilisant l'eau de puits. "De fins palais ceux-là, note avec humour Trân Trung Meo, capables de sentir la différence entre un plat préparé avec de l'eau de puits et un autre avec de l'eau ordinaire". Cet homme de 39 ans exerce depuis 20 ans un métier en voie de disparition : porteur d'eau.
Une véritable profession, insolite au 21e siècle, souvent "transmise de père en fils" dans le bourg.
Les puits artisanaux font partie du trésor patrimonial de Hôi An, au même titre que le fameux Pont des Japonais, les temples et les vieilles bâtisses trapues aux toits de tuiles. "Je peux même dire sans exagérer, insiste notre fier porteur d'eau, que vous ne pourrez pas prétendre connaître Hôi An sans avoir fait l'expérience gustative de son eau de puits !"
Nghia Dàn/CVN