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Des militaires sud-coréens guidant des conscrits venus effectuer leur service militaire le 19 octobre à Nonsan. |
La Corée du Sud demeure techniquement toujours en guerre avec le Nord. Le service militaire obligatoire fournit ainsi le gros des troupes au Sud qui fait face à une armée nord-coréenne forte de 1,2 million de militaires.
Tout Sud-Coréen valide doit servir durant 18 mois avant l'âge de 30 ans, un passage obligé qui, bien que parfois mal ressenti, crée des liens indéfectibles avec les autres conscrits.
Éviter de remplir ce devoir dans une société sud-coréenne conformiste peut avoir des répercussions professionnelles et entraîner une stigmatisation sociale durable.
Au cours des dernières décennies, des dizaines de milliers d'objecteurs de conscience, parmi lesquels de nombreux Témoins de Jéhovah, ont accepté d'en payer le prix fort : 18 mois de prison, voire plus.
"Comme adepte des Témoins de Jéhovah, je crois qu'il est de mon devoir d'interpréter la Bible telle qu'elle est écrite et de suivre les enseignements de Jésus", explique à l'AFP M. Jang, père de trois enfants.
D'une voix douce, il cite l'évangile selon Matthieu dans lequel Jésus dit à ses disciples de ne pas avoir recours à la force pour le défendre.
"Cela aurait été le plus grand acte honorable de défendre le fils de Dieu, mais Jésus a dit à ses disciples de ne pas (le faire). Je suis arrivé à la conclusion que la violence ne pouvait en aucun cas être justifiée", explique cet homme qui pratique la médecine traditionnelle.
Pendant des années, l'idée de proposer aux objecteurs de conscience un service civil a fait l'objet d'une vive controverse.
Mais l'actuel président Moon Jae-in qui, dans les années 70, a fait son service militaire dans les forces spéciales avait promis la création d'un service civil lors de sa campagne présidentielle de 2017.
L'année suivante, la Cour suprême a estimé que les objections morales et religieuses étaient des motifs valables pour refuser d'effectuer la conscription.
"Un premier pas"
Jang Kyung-jin, un objecteur de conscience en Corée du Sud, lors d'une interview à l'AFP le 22 octobre. |
Ce programme offrant la possibilité d'effectuer un service civil entre en vigueur lundi.
Ce jour-là, M. Jang et 62 autres objecteurs de conscience se rendront à Daejeon, au sud de Séoul où, durant trois ans, ils seront administrateurs d'établissements pénitentiaires.
Ils recevront la même solde que les autres conscrits. Le ministère de la Justice a qualifié ce dispositif de "premier pas vers l'équilibre entre conscience et devoir militaire".
Outre les médaillés olympiques et les champions des Jeux asiatiques, ainsi que les lauréats de certains concours internationaux de musique classique, l'obligation d'effectuer la conscription s'applique à tout homme en bonne santé.
Cette contrainte plane actuellement sur les sept membres du groupe BTS, roi international de la K-pop, qui rapporte des milliards de dollars à la douzième économie au monde.
Steve Yoo, un chanteur de K-pop très populaire dans les années 1990, a pris la nationalité américaine peu avant d'être appelé, perdant ainsi automatiquement sa nationalité coréenne.
Cette décision avait suscité la colère de la population et il s'était rapidement vu interdit d'entrée sur le territoire, une mesure toujours en vigueur.
À travers la planète, les Témoins de Jéhovah sont le plus souvent connus pour refuser les transfusions sanguines ou pour faire du porte-à-porte afin de recruter des disciples.
En Corée du Sud, c'est leur refus de faire le service militaire ou de prêter allégeance envers la nation qui marque le plus les esprits.
Depuis 1950, 19.353 Témoins de Jéhovah ont été condamnés pour avoir refusé d'effectuer leur conscription, ce qui représente un total de plus de 36.000 années passées derrière les barreaux, selon l'église.
Parmi ces anciens détenus, Lee Bit-nam, membre de la congrégation de M. Jang, emprisonné en 2015. Cependant, comme pour tous les autres objecteurs de conscience, son casier judiciaire a été effacé après une décision de justice.
À 30 ans, ce mécanicien automobile, raconte avoir été la cible de moquerie de la part des gardiens et des autres prisonniers mais n'avoir pour autant jamais douté de son choix.
"J'ai réalisé que Dieu ne veut pas que nous nous entraînions à la guerre ou que nous nous engagions dans une guerre", explique M. Lee qui affirme que sa "foi n'a fait que se renforcer quand je lis la Bible".