La porte Doan Môn. |
La Cité impériale de Thang Long, qui s’étend sur 18,395 ha, comprend aujourd’hui les bâtiments au 19 C, rue Hoàng Diêu, et les vestiges de la zone archéologique au 18, de la même rue, dans l’arrondissement de Ba Dinh, à Hanoï. Selon les archives, la citadelle a été construite sur des terrains drainés du fleuve Rouge et prospère sous les règnes des dynasties des Ly (1010-1225), des Trân (1225-1413) et des Lê (1428-1789). Sous la dynastie des Nguyên (1802-1945), ce vaste ensemble a été renommé citadelle de Hanoï.
Ouvrage inestimable doté d’une longue histoire
En 1010, le roi Ly Công Uân (Ly Thai Tô, 974-1028) transféra la capitale de Hoa Lu (actuelle province de Ninh Binh, au Nord) à Dai La (Hanoï actuelle). La tablette xylographique gravée Dai Viêt su ky toàn thu (Annales du Dai Viêt), de la dynastie des Nguyên, précise : "En juillet 1010, le roi Ly Công Uân transféra la capitale de Hoa Lu à Dai La. Dès que le bateau royal débarqua au quai de la citadelle de Dai La, il vit un dragon d’or s’envoler vers le ciel. Le roi pensa que c’était un bon signe et changea le nom de Dai La en Thang Long (Dragon qui prend son envol, ndlr)".
Après le transfert de la capitale, le roi Ly Công Uân ordonna de mettre en chantier plusieurs bâtiments dont les palais Càn Nguyên, Nghinh Xuân, la porte Phi Long ou encore l’étang Long Tri, entre autres. Les travaux de construction d’autres ouvrages ont été ensuite poursuivis par ses successeurs.
Durant son existence, la Cité impériale de Thang Long était le centre névralgique des dynasties, mais aussi le noyau culturel, économique et artistique de Hanoï. Elle témoignait de l’histoire et de la culture des anciens Vietnamiens dans le delta du fleuve Rouge. Bien que la cité ait été sérieusement endommagée au cours du XIXe siècle, plusieurs ouvrages demeurent jusqu’à présent : le palais Kinh Thiên, Ky Dài (Tour du drapeau), la porte Doan Môn (porte du Sud), le perron du Dragon, la porte du Nord...
La Cité impériale est l’un des monuments qui disposent des plus grandes valeurs historique, archéologique et architecturale de la capitale millénaire et du pays en général. En 1967, une maison et un bunker ont été construits à l’intérieur de la Cité impériale (à cette époque-là, nommée citadelle de Hanoï) pour servir de quartier général à l’Armée populaire vietnamienne. Une partie souterraine accessible par escalier composait diverses salles à l’abri des bombardements. Ce lieu a servi jusqu’à la fin de la guerre du Vietnam en 1975. Il est transformé depuis en musée où sont exposés divers items de cette période.
Le 31 juillet 2010, la Cité impériale de Thang Long a été élevée par l’UNESCO au rang de patrimoine culturel mondial. Depuis, elle est devenue une destination de plus en plus captivante pour les historiens, archéologues et touristes.
Dix ans de préservation patrimoniale
L’espace d’exposition dans la Cité impériale. |
Habituellement, un vestige sera destiné à la ruine s’il n’est pas conservé et promu dans la bonne direction. Ce n’est heureusement pas le cas de la citadelle royale qui se porte très bien, depuis sa détérioration au XIXe siècle. L’UNESCO a évalué ce complexe de vestiges selon trois critères : sa longue histoire à travers des siècles, sa position comme centre de pouvoir des rois, et l’abondance de ses vestiges et de ses artefacts. Elle affirme que "la Cité impériale de Thang Long dispose de grandes valeurs globales car ce lieu, pendant plus d’un millénaire, a été le berceau culturel, architectural et artistique reflétant les techniques de construction et d’installation paysagère originales des Vietnamiens d’antan".
Selon Pham Thi Thanh Huong, cheffe de la section culturelle de l’UNESCO au Vietnam, "la Cité impériale constitue un ouvrage typique car elle a été efficacement et méthodiquement préservée tandis que les autres mettent l’accent sur le développement touristique. Cela fait peser un risque sur la durabilité des patrimoines". Le Centre de conservation du patrimoine de Thang Long - Hanoï a en effet suivi les recommandations de l’organisation internationale, relatives aux recherches approfondies en matière d’archéologie. Il a réussi à gérer la valeur patrimoniale du site tout en stimulant sa fréquentation touristique.
"Jusqu’à présent, ce vestige a bénéficié d’une bonne stratégie de sauvegarde patrimoniale car ont été privilégiées des activités culturelles et éducatives pour présenter l’histoire plutôt que la simple commercialisation du site", déclare Mme Huong.
Développement du tourisme
Pendant ses dix années de consécration, la Cité impériale de Thang Long a démontré sa capacité à préserver ses valeurs archéologiques et historiques. Sur ce site, conservation rime toujours avec développement du tourisme. Cela permet non seulement de garder le statu quo de l’ouvrage mais aussi d’apporter un chiffre d’affaires notable, grâce à la fréquentation des touristes et aux événements artistiques, contribuant ainsi au développement socio-économique de la capitale.
Thu Huong, une touriste venant pour la première fois à la citadelle, ne cache pas son enthousiasme en découvrant cet ouvrage. "Il s’agit de ma première visite de la Cité impériale de Thang Long. Je suis impressionnée par la taille immense de cet espace. Le bâtiment d’exposition d’anciens objets de la capitale est un lieu attrayant. Le visiter, c’est comme revenir, s’immerger dans le passé resplendissant d’antan. Grâce aux artefacts et aux indications détaillées qui vont avec, j’ai appris beaucoup de choses intéressantes sur l’histoire du Vietnam", déclare-t-elle.
Ce site représente aujourd’hui une destination captivante des touristes. |
Ces dernières années, la citadelle était un des lieux les plus visités de la capitale, accueillant bon nombre de voyageurs. Mais depuis l’apparition de la pandémie, la question du manque de recettes budgétaires se pose pour le Centre de conservation du patrimoine de Thang Long - Hanoï.
Lors des premiers jours de ce mois de novembre, la Cité impériale s’expose comme à son habitude mais s’avère être moins agitée et moins visitée qu’avant le COVID-19. "Les week-ends sont les moments de plus grande affluence mais le nombre de touristes a quand même diminué considérablement depuis le COVID-19", constate un cadre y travaillant. Afin d’attirer plus de visiteurs, le site ne cesse de diversifier ses activités.
Expositions, circuits et programmes culturels
Si la cour de la Cité impériale de Thang Long animait la vie royale d’autrefois, elle est aujourd’hui un espace idéal réservé aux événements culturels et artisti-ques, attirant de nombreux touristes. L’exposition de peintures folkloriques organisée conjointement par le Centre de préservation du patrimoine de Thang Long - Hanoï et l’École française d’Extrême-Orient (EFEO) est un exemple notable d’évènements se déroulant dans les murs de la citadelle. Une collection de 50 œuvres abondantes en couleurs, ayant pour thème la vie quotidienne, la pratique des rites religieux, les quatre saisons et les concours de jadis, est aussi présentée au public.
Récemment, l’exposition "Kinh dô mai muôn doi" (À jamais la capitale) s’est déroulée en octobre, avec plus de 100 photos et archives exposés et répartis en trois volets chronologiques : le déplacement de la capitale par le roi Ly Thai Tô, la création de Thang Long et la capitale Hanoï… qui "nous a donné une vision sur les multiples facettes de l’histoire et de la culture nationales", fait remarquer Thu Huong.
Une multitude de circuits et de programmes culturels ont été organisés pour explorer la porte Doan Môn, la maison D67, le tunnel souterrain T1 comme : "Cham vào quá khu" (Toucher le passé), "Huong sac thao môc Doan Huong" (Le parfum et la beauté des herbes médicinales de Doan Huong) illustrant des us et coutumes des Vietnamiens lors du Têt Doan Ngo (5e jour du 5e mois lunaire) ou le circuit "Décodage de la Cité impériale de Thang Long", à partir de décembre prochain, permettent au public de découvrir l’histoire millénaire de la capitale vietnamienne.
Visitant la Cité impériale de Thang Long le 10 novembre, Bùi Duy Tiên, 71 ans, vétéran domicilié dans l’arrondissement de Long Biên, est impressionné par la richesse et la valeur historique du site. "J’y viens avec mes amis vétérans, pour la première fois dans le cadre d’un circuit organisé. Nous sommes vraiment surpris de la richesse des anciens objets trouvés à 3-4 m de profondeur, dévoilant les traces des dynasties des Ly et des Trân. Le palais Kinh Thiên, un des ouvrages importants de ce site, est remarquable bien qu’il ne subsiste qu’une partie du plancher et des marches en pierre encadrées de rampes en forme de dragons. Le tunnel souterrain T1 est une bonne destination pour les vétérans. Il s’agit du QG du commandement de l’état-major de l’Armée populaire vietnamienne durant la guerre contre les États-Unis. En bref, c’est un site à ne pas manquer pour mieux comprendre l’histoire de la capitale vietnamienne millénaire", estime-t-il.
Plus de 517.000 visiteurs en 2019
Une des activités artistiques organisées au sein de la Cité impériale. |
À l’image d’autres institutions culturelles, le site a dû fermer ses portes pendant le temps de distanciation sociale au début de l’année. Mais ce n’est pas pour cette raison qu’il "gèle" complètement ses activités. La digitalisation est mise en œuvre, permettant un accès facile du public à l’art de la citadelle. Sur le site web de la Cité impériale, on peut trouver des expositions en ligne et en 3D dont "À jamais la capitale" ou la "Célébration du 130e anniversaire du Président Hô Chi Minh", entre autres. Une preuve de l’adaptation de la cité aux nouvelles technologies à l’ère 4.0.
C’est grâce à la gestion raisonnable du site que sa préservation est assurée et que sa situation économique s’est considérablement améliorée. Alors qu’en 2013, le site a accueilli 120.000 touristes, en 2016, il en a attiré plus de 245.000. Ce chiffre s’est élevé à 517.476 en 2019, rapportant plus de 10,5 milliards de dôngs au budget municipal.
Plus de dix siècles se sont écoulés et la Cité impériale se dresse comme un témoin des changements de la société. Pour les Vietnamiens et surtout les Hanoïens, cet ouvrage représente le symbole éternel de la prospérité et de l’histoire brillante de la capitale millénaire.
Texte et photos : My Anh - VNA/CVN