La chute du franc face au dollar américain "fait mal" aux Congolais

Une monnaie locale qui chute, le paiement d'arriérés de salaires des fonctionnaires et des dépenses de guerre ont fait grimper les prix en République démocratique du Congo, dont les habitants ont du mal à se procurer les produits de base.

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Des franc congolais sur un étal de cambiste d'un marché de Kinshasa, le 11 août 2021 en RDC. 
Photo : AFP/VNA/CVN

Depuis le début de l'année, le franc congolais s'est déprécié d'environ 15% par rapport au dollar américain, selon les données officielles et les cambistes, frappant le plus durement les plus démunis.

Deux mille francs congolais s'échangeaient encore récemment à un USD. Le taux est passé à plus de 2.320 francs pour un USD, selon les derniers chiffres de la banque centrale.

Plusieurs personnes interrogées par l'AFP déclarent que dans certains cas, les prix ont augmenté beaucoup plus, étant multipliés par deux voire plus.

Debout dans la boue d'un marché de la capitale Kinshasa, Bibiche Musabili brandit une botte de feuilles de patates douces, un aliment de base local utilisé dans les ragoûts, appelé "matembele".

"Avant, nous achetions ce bouquet de légumes à 500 francs congolais (0,25 USD)", déclare la ménagère. "Aujourd'hui c'est devenu 3.000 francs (1,5 USD)". "Qu'est-ce qu'on va faire ?", se lamente la mère de famille, en affirmant que ses enfants souffrent de la faim.

En RDC, les deux tiers des quelque 100 millions d'habitants vivent sous le seuil de pauvreté, fixé à 2,15 USD par jour par la Banque mondiale.

Dollar américain tout-puissant

Dans un quartier de change de Kinshasa, les cambistes confirment que le marché a été inondé de francs congolais. 
Photo : AFP/VNA/CVN

Le Fonds monétaire international a indiqué en février que la RDC avait augmenté ses dépenses en 2022, pour combattre les rebelles du M23 qui se sont emparés de vastes pans de territoire dans l'Est du pays, mais aussi pour payer des arriérés de salaires dans la fonction publique.

L'inflation atteignait déjà 13% à la fin de l'année dernière, en partie à cause des retombées économiques du conflit en Ukraine.

L'augmentation des dépenses fin 2022 a provoqué un afflux de francs congolais sur le marché et une forte demande de dollars américains, analyse un économiste, qui préfère rester anonyme.

La RDC, immense pays d'Afrique centrale, a l'une des économies les plus dollarisées au monde, héritage de l'inflation galopante à l'époque du dictateur Mobutu Sese Seko (1965-1997).

Les dollars américains sont acceptés partout, dans les restaurants et les magasins, et utilisés pour la plupart des achats importants.

L'économiste explique lui aussi que le surplus de dépenses du gouvernement correspond à des importations probablement liées au conflit dans l'Est ainsi qu'au paiement d'arriérés de salaires.

Effectués en francs congolais, ces paiements ont provoqué une ruée de personnes cherchant à échanger leur argent local contre des USD.

"Les banques n'étaient pas capables de fournir assez de dollars américains, d'où la dépréciation", ajoute cet expert.

L'offre et la demande

Dans un quartier de change de Kinshasa, les cambistes confirment que le marché a été inondé de francs congolais.

"C'est la loi de l'offre et de la demande", déclare une cambiste, Maman Mireille, assise à côté de liasses de billets. Les clients recherchent des dollars, dit-elle.

Le gouvernement a promis d'agir pour stabiliser la monnaie, mais la perte de valeur du franc a déjà suscité la colère.

Lors de récentes manifestations de l'opposition dans la capitale, les participants brandissaient des pancartes protestant contre le prix du pain, par exemple.

Les tarifs des transports, dans la mégapole d'environ 15 millions d'habitants, ont eux aussi augmenté.

Attendant un taxi collectif dans le centre-ville, Herdi Lomboto, 19 ans, étudiant en gestion, assure qu'il payait il y a peu 500 francs (0,25 USD) pour rentrer chez lui. Maintenant, c'est entre 1.500 et 2.000 francs (entre 0,75 et 1 USD environ).

"Ça fait mal, dit-il, de voir nos parents qui souffrent" pour payer les frais académiques, le transport et tout le reste.

AFP/VNA/CVN

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