>>Zone euro : la stagnation de l'économie "complique les choix" de la BCE
>>Entre inflation et risque de récession, le grand écart de la BCE
La présidente de la Banque centrale européenne Christine Lagarde, lors d'une conférence de presse à Nicosie, à l'occasion d'une visite à Chypre 30 mars. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
L'institution monétaire européenne "va mettre fin" dans un premier temps à ses achats nets d'actifs "au début du troisième trimestre", soit juillet, puis une première hausse de taux devrait intervenir "quelque temps après", dans "une période de quelques semaines seulement", a averti Mme Lagarde dans un discours prononcé à Ljubljana.
Alors que l'inflation a atteint le taux record de 7,5% sur un an en avril en zone euro, la BCE paraît déterminée à ramener cet agrégat en direction de son objectif de 2% dans les deux ans qui viennent.
Son choix est cornélien. Ne pas relever les taux risquerait d'alimenter un peu plus les tendances inflationnistes, notamment via les revalorisations salariales consécutives à la forte inflation. Les relever trop vite pourrait ralentir encore la croissance déjà faible.
Encore en avril, la BCE disait vouloir attendre. Mais le choc sur les prix, les tarifs d'énergie notamment, attisé par la crise en Ukraine et les multiples pénuries, l'empêche de rester les bras croisés.
Voyage par étapes
Aussi, les prochaines réunions de la banque centrale européenne le 9 juin, à Amsterdam, puis le 21 juillet à Francfort, s'annoncent cruciales avant la pause estivale.
"Après la première hausse des taux, le processus de normalisation sera progressif", a précisé Mme Lagarde. Elle parle depuis avril d'un "voyage" par étapes, présageant une série de hausses de taux après l'amorçage de l'été.
Ce changement de cap est surtout poussé par les "faucons" prônant une politique monétaire plus stricte au sein du Conseil des gouverneurs, l'instance de décision de la BCE.
Ces derniers semblent avoir pris le dessus sur les "colombes", adeptes de soutiens prolongés à l'économie.
Évolution des taux de refinancement et de dépôt de la Banque centrale européenne depuis 2008. |
"Alors que l'inflation dans la zone euro continue d'être élevée, nous devons agir" maintenant, a martelé mardi 10 mai Joachim Nagel, président de la Bundesbank allemande.
Selon ce "faucon", un virage monétaire est possible maintenant mais sera plus délicat s'il faut attendre la fin de la crise en Ukraine.
"Il est temps de mettre un terme aux mesures qui ont été activées pour lutter contre la faible inflation", a renchéri mercredi 11 mai Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE, dans un discours à Vienne.
Ce qui veut dire que l'ère des rachats nets de dette publique et privée doit prendre fin comme celle des taux négatifs, en taxant aujourd'hui à -0,5% les dépôts bancaires dormant à la BCE au lieu d'être distribués en crédit.
Une politique régulièrement critiquée dans la première économie européenne, où nombre d'Allemands accusent la BCE d'alimenter la hausse des prix et d'appauvrir les épargnants.
D'ici quelques mois "l'argent va être un peu moins facile" et "les taux d'intérêt vont monter mais très progressivement", a expliqué mercredi 11 mai François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, sur la radio France Inter.
Première hausse depuis 2011
La BCE n'a plus connu de hausse de taux depuis 2011 mais se prépare désormais clairement à emboiter le pas d'autres grandes banques centrales en avance sur le sujet.
Début mai, la Réserve fédérale américaine (Fed) a remonté ses taux directeurs de 0,5 point pour combattre une inflation plus élevée encore qu'en zone euro. Et la Banque d'Angleterre (BoE) a relevé son taux à un plus haut depuis 2009.
Pour la zone euro, Gilles Moec, chef économiste chez Axa, interrogé par l'AFP, table sur "une première hausse des taux en juillet, suivie par un retour à zéro (du taux négatif) en septembre, avant une longue pause".
Toutefois, il ne s'attend pas une longue série de hausses.
"Entre la poursuite de la crise en Ukraine, une situation COVID pour le moins compliquée en Chine et les effets secondaires du durcissement rapide des conditions financières aux États-Unis, la BCE ne pourra pas facilement poursuivre sa normalisation au-delà de 2022", conclut-il.
AFP/VNA/CVN