Jumelage inter-villageois

Dans le Vietnam traditionnel, le village, îlot ceint d’une haie de bambous et flottant au milieu des rizières, est une unité administrative, économique et culturelle autonome. Certains villages sont étroitement unis par des liens spirituels, leurs génies tutélaires étant mari et femme.

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Le village de Vân Lâm, province de Hà Nam (Nord), vu du ciel.
Photo : CTV/CVN

Chaque village a son génie tutélaire, ses règlements, ses coutumes propres. Cependant, cet isolement est tempéré par une pratique assez courante, le giao hiêu ou giao hao, entente entre deux ou plusieurs villages voisins ou parfois éloignés. Cette alliance s’explique par diverses raisons : villages satellites restés unis au village souche, - souci d’assurer une sécurité commune ou besoin d’entraide, vestige des mêmes croyances anciennes. Les villages alliés ne se font pas de procès, s’aident mutuellement en cas d’inondation, de typhon, d’incendie, d’épidémie, de lutte contre les pirates. On s’envoie des délégations et des cadeaux lors des fêtes du village allié, on organise des fêtes communes spectaculaires tous les cinq ou dix ans.

Le culte des époux divins

Citons comme exemple d’alliance le cas de Van Xá et de Vân Lâm, villages distants d’une vingtaine de kilomètres et relevant des deux districts de la province de Hà Nam (delta du fleuve Rouge). Ils sont étroitement unis par des liens spirituels, leurs génies tutélaires étant mari et femme.

Selon la légende, sous la dynastie des Lý (XIe – début du XIIIe siècle), vivaient à Van Xá le pêcheur Cao Van Phúc et à Vân Lâm une femme, Tu Thi Lang, qui gagnait sa vie en attrapant des crabes et des escargots. Ils étaient pauvres financièrement parlant mais riches à l’intérieur. Le hasard voulut qu’ils se rencontrent au marché et se marient.

Pour comprendre l’âme du Vietnam traditionnel, il faut aller à la campagne.
Photo : CTV/CVN

Un jour, en piochant dans un champ, ils trouvèrent deux œufs d’un aspect étrange. Ces œufs très durs ne pouvaient être ni cuits ni brisés. Ils finirent par éclore et donnèrent deux serpents marqués sous le ventre l’un par le caractère «Aîné» et l’autre par le caractère «Cadet». Le couple n’ayant pas d’enfants, il les aimait beaucoup.

L’homme qui connaissait plus d’une recette de médecine populaire réussit à enrayer une terrible épidémie à Van Xá. Les époux firent la charité jusqu’à la fin de leur vie. La population reconnaissante érigea un temple à la mémoire de Cao Van Phúc à Van Xá. Quelques temps après, à côté de la construction se creusa un puits dans lequel vinrent se réfugier les deux serpents. Un autre temple dédié à Dame Tu, femme de Phúc, fut construit à Vân Lâm. Survint une forte crue qui ouvrit une brèche dans la digue protégeant les villages. Les serpents se couchèrent sur la digue, enflèrent leurs corps qui devinrent d’énormes barrages et arrêtèrent l’assaut des flots. Le culte des époux divins a engendré l’alliance des villages Van Xá et Vân Lâm, alliance marquée par des coutumes se transmettant pieusement de génération en génération. Les anniversaires de la mort de chaque génie sont célébrés en commun. Bien qu’appartenant à deux districts, les villages portent aujourd’hui le même nom : Van Xá.

Grand respect mutuel entre localités jumelées

Pour manifester le respect mutuel entre localités jumelées, les gens des deux villages, quand ils se rencontrent, se saluent en appelant indifféremment l’interlocuteur «oncle» ou «tante».

L’entraide se matérialise à plus d’une occasion : renforcement des digues et secours en cas d’inondation, assistance dans l’élevage des poissons et la pêche, participation à des fêtes organisées dans chaque village avec des jeux populaires commémoratifs (danse du filet de pêche, danse des fées pour rappeler l’heureuse union des époux divins...). La grande fête commémorative a lieu tous les dix ans. Les frais sont couverts par les cotisations volontaires des habitants des deux villages. Aucune somme déterminée n’est fixée, chacun contribuant selon ses possibilités. C’est l’argent rapporté par la vente des poissons élevés dans les mares des deux maisons communales qui assure en grande partie les dépenses.

Au village de l’épouse divine existe un puits très profond dont l’eau, dit-on, communique avec le fleuve Rouge. Pour envoyer un message au village de l’époux divin, on n’a qu’à l’introduire dans une pamplemousse qu’on jettera dans le puits. Le fruit, pour parvenir à destination, n’aura qu’à suivre le courant souterrain.

Huu Ngoc/CVN
Mars 2000

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